Christina, en PVT à Osaka depuis 10 mois nous raconte son expérience en tant que salarié chez Don Quijote. Ceux qui sont sur place sont probablement déjà clients de la marque au pingouin, pour les autres, rapide présentation de cette entreprise japonaise atypique :

  • 400 magasins discount dans tout le Japon, des succursales aux États-Unis et à Singapour
  • un chiffre d’affaire qui s’envole tous les ans grâce au tourisme
  • une entreprise à la fois très traditionnelle dans son fonctionnement mais novatrice en terme d’approche commerciale
  • pour les employés, une image de travail pénible mais formateur (on pourrait comparer à McDonald’s en France)

Bonjour Christina, tout d’abord, pourquoi as-tu choisi le PVT Japon ?

C’est en fait grâce à mon oncle que tout a commencé. Il avait voyagé au Japon et les histoires qu’il en avait ramené m’avait fascinée. J’ai commencé à apprendre le japonais (d’abord avec une association puis en autodidacte après) dans l’idée d’aller moi aussi faire un voyage au Japon un jour. Pourtant, je ne pense pas rentrer dans la catégorie geek ou “otaku” Japon car finalement je n’ai pas beaucoup approfondi du côté de la culture traditionnelle ou pop et je suis restée concentrée sur l’étude du japonais.
C’est d’ailleurs au fur et à mesure de mon apprentissage de la langue que je me suis dit qu’il serait dommage d’avoir fourni tant d’efforts pour seulement un voyage et le projet de rester au Japon quelques années a peu à peu germé dans ma tête.

Pourquoi ce travail ? Connaissais-tu Don Quijote avant ?

En fait, Don Quijote (Donki) a été mon premier boulot ici. J’avais commencé à chercher du travail dès mon arrivée mais sans succès : j’avais contacté des agences de recrutement, envoyé des candidatures spontanées dans les filières qui m’intéressaient (droit, immobilier) mais sans réponse. Puis j’ai postulé à une annonce pour Donki, ça faisait à peine un mois que j’étais là. Au final j’ai trouvé sans vraiment beaucoup chercher.

Par contre je ne connaissais pas du tout cette entreprise, c’est après que j’ai réalisé à quel point la boîte était importante, d’autant plus que je travaille dans le magasin au plus gros chiffre d’affaire du pays (NDLR Don Quijote Dotombori, numéro un des ventes au Japon depuis environ 5 ans). Quand je dis aux gens que je travaille à Donki, l’effet de surprise est garanti !

Comment s’est passé le recrutement ?

J’ai tout simplement répondu à une offre trouvée sur Craigslist Osaka. Je sais que notre magasin poste des annonces dans des groupes Facebook aussi. Vu que notre clientèle est à 90 % étrangère, Donki Dotombori emploie énormément d’étrangers, étudiants ou pvtistes. Mon manager était allemand mais j’ai du envoyer un CV en anglais et un en japonais.

L’interview était elle aussi tout en japonais (sauf quand cela devenait un peu trop difficile, on repassait en anglais). Pour travailler à Donki il faut au minimum le niveau N3 du JLPT car tout se fait en japonais entre collègues, même si nous parlons en anglais avec les clients.
Les questions étaient assez basiques : pourquoi avoir choisi Donki, qu’est-ce que je connais de l’entreprise, etc…
Finalement ce fut assez court, en 20 min c’était bouclé, j’avais rempli les formulaires de renseignement (aussi en japonais) et fait ma liste de voeux pour les postes disponibles dans le magasin.
J’ai été rappelée par le manager une semaine après et j’ai commencé la semaine suivante.

Quel est ton poste exactement ?

Le personnel étranger de Donki travaille essentiellement à la détaxe (“Tax-free”), il n’y a d’ailleurs aucun japonais dans ce département, ou aux caisses. Je suis pour ma part à la détaxe. J’ai différentes tâches à exécuter selon la position où je suis : être à la réception et expliquer les règles à suivre pour obtenir la détaxe, emballer les achats dans des sacs scellés ou être à la caisse pour rembourser la taxe aux clients. On travaille en équipe, on reste donc chacun à un poste précis, surtout s’il y a beaucoup de monde, un peu comme un travail à la chaîne. Lorsqu’il y a moins de personnel, on jongle sur tous les postes.
Les jours plus calmes, je dois aussi souvent imprimer et plastifier les affiches promotionnelles pour le magasin, ou faire les commandes de fournitures. Dans ce cas-là, je suis dans les étages de la direction. Il m’arrive aussi d’être appelée dans les bureaux pour faire office d’interprète pendant les entretiens d’embauche ou après les interpellations de vol à la tire entre la police et les touristes étrangers suspectés.
J’ai aussi été formée pour travailler aux caisses et j’ai participé à certains évènements promotionnels du magasin (habillée en yukata -kimono d’été- pour cette occasion !).

Comment se sont passés les premiers jours ?

Pour être honnête, ça m’a fait un peu peur. Donki étant une très grosse entreprise, il y a des procédures à suivre pour tout, ça fait beaucoup d’informations à retenir le premier jour.
Tout d’abord mon manager m’a fait signer mon contrat, m’a remis mon uniforme et m’a installée devant un ordinateur pour regarder la vidéo d’orientation de l’entreprise (2 h de vidéo tout en japonais). On y explique les règles générales (pas de piercing, comment porter son uniforme…) les procédures pour tous les postes, que faire en cas d’urgence, comment se comporter face aux clients, etc…
Après cette vidéo, on m’a présentée à la direction, expliqué le fonctionnement du “jimusho” (la partie bureaux de l’entreprise) puis j’ai fait une heure de travail à mon nouveau poste. Cela a fait énormément de vocabulaire, de procédures, de noms à retenir, mais les managers sont très gentils ainsi que le reste de l’équipe, ce qui m’a beaucoup rassurée.

Quel est ton quotidien avec ce travail ?

Je suis pour l’instant encore “baito” même si l’entreprise m’a promis un visa de travail et va donc me passer en “shain” (équivalent au CDI) à la fin de mon PVT. Pour l’instant donc, je peux choisir mon emploi du temps, je donne mes disponibilités et les managers décident du nombre d’heures que je fais. Je peux du coup prendre des jours de repos quand je veux ce qui est un vrai avantage, même si au final j’essaie de rester cohérente pour faciliter l’organisation.

Je travaille 4 jours par semaine, 9 heures par jour avec une pause d’une heure. Je commence soit à 7 h du matin soit à 11 h, ça dépend. Le magasin étant ouvert 24h/24 je pourrais travailler aussi la nuit (le salaire est meilleur) mais je ne préfère pas.
Je suis debout derrière le comptoir toute la journée. Quand c’est calme, on papote avec le reste de l’équipe, il y a une bonne ambiance. C’est très international à la détaxe, du coup on apprend plein de choses sur les autres cultures (Chine, Corée du Sud…). Je suis assez fatiguée physiquement, à la fin de la journée je n’ai plus de jambes et entre le fait de rester debout, parler en anglais ou en japonais, le bruit, la foule et la cadence de travail, je veux juste rentrer chez moi et dormir !

Pendant mes jours de repos, je récupère de ma fatigue et reste plutôt tranquille chez moi. Le salaire n’étant pas terrible, je dispose de pas mal de temps mais pas forcément d’argent pour voyager, malheureusement.

Quels sont les bons et les mauvais côtés ?

Pour résumer je dirais :

Inconvénients Avantages

Le salaire est bas

On peut choisir son emploi du temps
La fatigue physique : je n’ai pas envie de sortir après le boulot On rencontre beaucoup de gens
Les infrastructures côté employés pas toujours au top (salle de repos et toilettes…) On évolue assez vite et on se voit confier des responsabilités
L’augmentation du stress avec les responsabilités Il se passe quelque chose tous les jours

“Il se passe quelque chose tous les jours”. Aurais-tu une anecdote à nous raconter ?

Oui, j’ai pas mal d’histoires, j’en ai vu des choses depuis que je travaille là-bas ! Le magasin amène une foule de clients dont certains peuvent être de vrais phénomènes et le directeur veut toujours distraire la clientèle et donner une image de marque amusante ce qui amène à beaucoup de moments “what the f***” on pourrait dire…

Quand j’ai découvert le “gomi matsuri” par exemple, qu’on pourrait traduire par “festival des poubelles”. C’est une opération marketing du magasin où on envoie les employés ramasser les détritus dans la rue autour de Donki. Souvent, ils y vont en costume pour ajouter un côté “fun” et du coup, j’ai vu passer mon manager déguisé en grenouille dès mon premier jour de travail. Ça m’a tout de suite mise dans l’ambiance !

Aussi le jour du typhon Jebi (NDLR : typhon très important qui a fait beaucoup de dégâts à Osaka) le magasin est resté ouvert contrairement aux autres autour, on était donc submergés de clients en plus d’être en proie aux bourrasques de vent (les portes étant grandes ouvertes au rez-de-chaussée). Les affiches s’arrachaient de partout, on se baissait pour éviter des trucs qui volaient mais les clients étaient là, imperturbables, à faire la queue pour récupérer leurs 200 yens de détaxe ! Mon manager est arrivé au comptoir avec un casque de chantier sur la tête pour se protéger et nous a mis la pression pour qu’on travaille plus vite alors qu’on était en plein chaos. C’était irréel.

Que retiendras-tu de cette expérience ?

Même si mon travail est assez simple, j’ai appris pas mal de choses à la détaxe. Le fonctionnement d’une entreprise japonaise avec sa hiérarchie très stricte, le vocabulaire du monde de l’entreprise, j’ai amélioré mon japonais, aussi.
Cependant du fait d’être à la détaxe et donc dans l’équipe internationale, je n’ai pas l’impression de vivre une expérience de boîte japonaise classique. Aucun de mes managers n’est japonais, il n’y a que la direction qui a du personnel japonais et je suis peu en contact avec eux sauf pour les réunions journalières de début de shift (où l’on récite aussi en choeur les principes de l’entreprise et les règles de conduite avec les clients ce qui m’avait paru assez “sectaire” la première fois !).

Et à l’avenir ?

Je compte rester dans l’entreprise pour l’instant car on m’a promis un visa de travail et je sais que je vais être amenée à évoluer. Cependant, ce n’est pas ma vocation de base et je continue de regarder à côté dans des domaines qui m’intéressent plus, comme l’immobilier.

Je pense que c’est une bonne entreprise pour démarrer, on y apprend les codes de la vie en entreprise au Japon qui sont très différents de ceux qu’on a en France. Mais à mon avis, il ne faut pas non plus y faire carrière car Donki fonctionne selon le modèle classique où l’on demande aux employés de se dévouer corps et âme à leur travail. Notre directeur et le numéro 2 du magasin sont là tout le temps, ils vivent pour leur travail et je n’ai pas envie de finir comme ça !

Du coup, une fois que j’aurai acquis une bonne expérience et évolué un peu, je chercherai un travail plus tranquille avec de meilleurs conditions. Donki c’est un peu la même image que MacDo en France, si on y survit alors on peut travailler n’importe où, je pense que cela impressionne et intrigue sur un CV surtout pour une occidentale.

Merci Christina et bonne continuation à Osaka !

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