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Voilà plus de trois mois que je vis à Hong Kong. Je décide d’écrire cet article après une légère déprime – qui, je l’ai appris récemment, est en fait la traditionnelle « déprime des 3 mois » du pvtiste, phénomène que la honte retient souvent ledit pvtiste de conter.

Car oui, comment oser dire à ses proches restés en France que l’on broie du noir, nous qui nous nous sommes offert une vie de voyage, de liberté et d’exotisme ?

La vérité est là : le vague à l’âme est l’occasionnel prix à payer pour une vie d’exotisme.

Ce n’est pas de la tristesse, ni du regret. C’est une forme de nostalgie, une douce panique qui s’infiltre en vous et vous fait questionner votre choix d’exil.

Une chambre, ce luxe

Cela commence avec votre licenciement, dont l’effet libérateur est à son apogée au cours d’un Noël à Bali, mais se dissipe progressivement à mesure que janvier se déploie et que vos économies s’amoindrissent. Hong Kong n’est pas une ville où l’on peut aisément remettre à plus tard ses recherches d’emploi ; et pour compte, elle figure dans le top 5 des villes les plus chères du monde. Londres, Tokyo, Zurich, Genève, Hong Kong, you name it, j’ai choisi de partir m’installer où manger autre chose que des wontons (des raviolis) relève parfois du luxe, où le prix d’une chambre en colocation équivaut à celui d’un studio décent à Paris, et où l’on pèse régulièrement le pour et le contre de prendre le métro (rapide, efficace, agréable – mais cher) plutôt que le tram (charmant, vintage, lent – mais bon marché).

Fin 2015, Hong Kong demeurait toujours la ville où l’immobilier reste le plus cher au monde.

Allez, j’avoue, je suis une nana qui aime les superlatifs.

Car là réside le défi : dégoter des cantines où manger à moins de 45 HKD (5,30 €), trouver des bons plans, des soirées abordables, multiplier les activités gratuites, chercher les lieux cachés dans les contre-allées et les étages plutôt que les rues passantes.

Qui se contraint à cet effort voit soudain un nouvel Hong Kong éclore.

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Sur le chemin de randonnée de Dragon’s back

Les connards, ces erreurs

Chaque jour, pourtant, je sais que ces efforts valent la peine d’être exercés.

J’ai la chance d’enseigner le français, cette belle et difficile langue, à des Hongkongais incroyablement ravis, étrangement comblés d’apprendre cette suite de sons absurdes – langue d’exceptions plus que de règles.

La plupart de mes élèves sont adorables, gais et frais comme une fleur de printemps (oui oui).

Il y a évidemment l’occasionnel connard – pardonnez le mot – qui se pointe avec ses remarques d’homme d’affaires aigri. Celui-ci était britannique. Nous nous sommes rencontrés dans un café pour évoquer ses attentes quant aux cours de français, et afin que je puisse évaluer son niveau.

Je n’aurais jamais pu soupçonner la déferlante d’arrogance qui allait suivre. Cet homme, dont la fiancée est française (c’était là, évidemment, sa motivation pour apprendre la langue de Molière), m’a d’emblée livré un discours des plus virulents à l’encontre des Français : ce sont des gens racistes, xénophobes, sous-civilisés (?) qui se croient supérieurs au monde entier (??), s’estiment meilleurs que les Britanniques pour parler anglais (???). Ce sont les ennemis historiques de la Grande-Bretagne et pour cette raison, Anglais et Français ne pourront jamais s’entendre (sauf lui et la dulcinée, car il a trouvé, semble-t-il, la seule Française du pays qui échappe à ces qualificatifs).

Nous nous sommes engagés dans une pente glissante. Très glissante. Pleine de bonne volonté, j’ai tenté de comprendre quelles raisons poussaient Bradley (pour le respect du connard en question, son prénom n’a… pas été modifié) à taxer la France entière de racisme. Il m’a expliqué que nous nous sentions toujours obligés d’interroger les gens sur leurs origines. Lorsque nous discutons avec un jeune Asiatique qui nous dit venir de Toulouse, nous lui demandons illico « oui mais, tes parents, ils viennent d’où ? ». Après avoir concédé à Bradley que la question pouvait en effet être formulée maladroitement, et donc paraître un peu directe, je lui ai expliqué qu’il s’agissait, à mon sens, de simple curiosité. Je lui ai dit qu’une personne raciste ne se donnait même pas la peine de discuter avec un Asiatique, un Maghrébin ou un Latino, puisque, pleine de préjugés à leur encontre, elle s’est déjà fait son opinion.

Mais Bradley n’a pas démordu (ce participe passé n’est-il pas délicieux ?). Il a même eu cette phrase : « les Français me font penser aux Australiens ou aux Néo-Zélandais, des populations primitives, sous-civilisées ». C’était quoi déjà, le vilain mot en « isme », Bradley ?

Il m’a ensuite décrit la force avec laquelle il détestait les amis français de sa fiancée, tous prétentieux, à tel point qu’il avait décidé de ne plus leur adresser la parole.

Je me suis alors dit que Bradley était un homme exquis, et que Chantal, sa moitié, avait bien de la chance de l’avoir trouvé.

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Le Grand Bouddha de Lantau Island

La créativité, ce salut

Après les premiers jours de janvier, pleine d’une motivation retrouvée, j’ai décidé de développer mes projets créatifs – l’une des raisons pour lesquelles je me suis envolée pour cette absurde terre de gratte-ciels.

En France, j’avais déjà la chance d’avoir des amis aux idées semblables, que je retrouvais régulièrement pour faire des ateliers d’écriture. Nous buvions du bon vin, mangions du fromage italien et écrivions des textes sur des thèmes donnés, que nous lisions ensuite à voix haute – c’était hipster, mais tellement bien.

En arrivant à Hong Kong, je me suis inscrite sur Meetup, un site de rencontres amicales (je vous vois venir…) autour d’intérêts communs : randonnée, cuisine, tennis, photo…

J’ai donc créé un groupe Meetup pour recruter des aficionados de l’écriture – et j’en ai trouvé, beaucoup. Trois jours après sa création, le groupe affichait déjà 70 membres. J’ai organisé un atelier d’écriture chez moi, dans mon moche petit salon, un samedi soir – et là, le miracle s’est accompli !

Une dizaine de gens qui ne se connaissaient pas sont venus, des bouteilles à la main, carnets et stylos en poche. Ils se sont parlé, ont échangé des business cards (activité typiquement hongkongaise), ont ri à gorge déployée, et surtout, ont écrit, très bien écrit.

En écoutant ces gens, que je ne connaissais pas une heure plus tôt, lire leurs textes fraîchement écrits devant ce groupe merveilleusement international, j’ai su que l’année commençait bien.

Plus encore, j’ai su que la déprime des trois mois était finie et que l’année de mes 26 ans serait celle de toutes les erreurs, de toutes les ivresses, de tous les voyages, de tous les doutes ; j’en aurais pleuré de joie.

Sur son blog, retrouvez ses différents récits et ses photos d’Hong-Kong (qui illustrent d’ailleurs cet article !) :

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Stanley

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1 avis

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(7)Commentaires

Julia I |
Hello tout le monde, merci pour vos retours très positifs, je suis heureuse que l'article vous ait plu. Je tenais également à vous rassurer et vous dire que la déprime des 3 mois, ça passe... tant et si bien que je cherche un moyen de trouver du travail à Hong Kong pour m'y installer au-delà du PVT
C'est super de lire vos témoignages. Merci.
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Floriane I |
Message de Lilou
Tu écris très bien, j'ai aimé te lire (tu recommences bientôt ?? ) ! La phase des 3 mois n'est en effet pas toujours simple. Pour mon PVT Canada, c'était la phase où je commençais sérieusement à manquer d'argent donc pas facile. Je crois qu'en Australie, je n'ai pas eu cette sensation à 3 mois, mais plutôt à 8, avec l'hiver qui arrivait et cette ambiance de Noël en plein mois de juillet qui m'a mis une petite claque et m'a fait ressentir un manque. On a discuté de ce sujet (en prévision de la publication de ton récit) avec une PVTiste vendredi et on s'est rendu compte que dans un PVT il y a plusieurs phases, pas toutes évidentes. Elle comme moi, au bout de 6 mois, on était hyper heureuses en PVT. On s'est dit qu'on avait fait la moitié de l'expérience et qu'on n'était pas prêtes à rentrer dans 6 autres mois.

Effectivement, le PVT est une succession de phases émotionnellement intenses!! L'arrivée est euphorique, le premier mois et demi un temps d'adaptation nécessaire, fait de doutes, d'angoisses mais aussi des grandes joies de la découverte, ensuite un petit rythme de croisière s'installe jusqu'à ces fameux trois mois... là, ça arrive d'un coup, comme ça, un bon coup de déprime. Le manque des proches, l'éloignement, un mode de vie différent... toutes ces raisons qui font qu'on ne sait pas si on doit continuer ou rentrer! Pourtant -et je peux le dire parce que j'ai eu le temps de faire le bilan de mon expérience, le meilleur reste à venir! Il ne faut pas abandonner, pas "gâcher" cette chance merveilleuse que l'on a d'être dans ce "là-bas" qu'on a tant rêvé. Evidemment, ce n'est pas facile tous les jours, il y a des embuches sur le chemin, mais elles sont aussi tellement importantes pour avancer, pour créer ce qui sera NOTRE expérience, rien qu'à nous... Alors on se retrouve au 6e mois du PVT et là on est comme au bord d'un précipice: quoi? 6 mois? Il ne reste que 6 mois?? C'est la course folle, la dernière ligne droite où on a encore plus envie d'en profiter, on savoure chaque instant, jusqu'à la dernière minute!!
La déprime est quelque chose de naturel, surtout lorsqu'on fait le choix difficile de partir... La pression de l'entourage n'y est pas pour rien et c'est justement à cause de cela qu'on a du mal à en parler je pense. Pourtant, il n'y a pas de honte à cela.
Bons voyages à tous
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Vanessa I |
Merci pour ton témoignage Julia
Ayant la déprime facile, ça risque de me tomber dessus si j'arrive à décrocher le sésame pour le Canada. Mais on arrive toujours à rebondir
Bon séjour à toi !
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Océane I |
j'adore ! super expérience ! un plaisir a lire !
Florane I |
Très beau texte Julia, merci pour ce partage! Et oui la petite déprime des 3 mois je l'ai bien connu aussi et la connaîtrais surement à nouveau dans les prochain mois... en même c'est aussi ça l'aventure avec des hauts et des bas, des moments de "qu'est ce que je fous là?" avec une incroyable fatigue et un manque de repères si réconfortants mais au final on en redemande!
Julie I |
Tu écris très bien, j'ai aimé te lire (tu recommences bientôt ?? ) ! La phase des 3 mois n'est en effet pas toujours simple. Pour mon PVT Canada, c'était la phase où je commençais sérieusement à manquer d'argent donc pas facile. Je crois qu'en Australie, je n'ai pas eu cette sensation à 3 mois, mais plutôt à 8, avec l'hiver qui arrivait et cette ambiance de Noël en plein mois de juillet qui m'a mis une petite claque et m'a fait ressentir un manque. On a discuté de ce sujet (en prévision de la publication de ton récit) avec une PVTiste vendredi et on s'est rendu compte que dans un PVT il y a plusieurs phases, pas toutes évidentes. Elle comme moi, au bout de 6 mois, on était hyper heureuses en PVT. On s'est dit qu'on avait fait la moitié de l'expérience et qu'on n'était pas prêtes à rentrer dans 6 autres mois.
tiphaine I |
très beau texte Julia, c'est très agréable de te lire!