- Âge au début du PVT :28 ans
- PVT :en famille en 2019 dans la région torontoise
- Domaine professionnel :Professeure de français
- Activité professionnelle au Canada :Professeure de Français Langue Etrangère
- Économies en arrivant :20 000 euros pour toute la famille
Enseigner le français au Canada
À la base, je suis prof de français en France, pas du tout prof de seconde langue. Ici, je suis prof de français seconde langue, c’est très différent. J’aime moins. Pour le temps du PVT, ça va, après, si on reste ici, je pense que je ferai en sorte d’être prof de première langue pour pouvoir faire étudier aux élèves tout ce qui a trait à l’art et à la culture. C’est vraiment ce qui m’intéresse. C’est ce qui me plaisait en France, je suis tombée sur ce métier un peu par hasard !
C’est aussi pour ça qu’on est venus ici, parce qu’être prof ici, c’est beaucoup plus intéressant qu’en France, vraiment. Que ce soit au niveau de tout ce qu’on a à disposition, y a beaucoup plus de matériels et d’autres choses qu’on n’a pas encore en France ou alors qu’on est juste en train d’expérimenter. Au niveau de la pédagogie, c’est plus intéressant et en plus, la paie n’a rien à voir. On est beaucoup mieux payés au Canada.
En France, j’étais au collège, donc des 6ᵉ aux 3ᵉ. Ici je bosse dans une école Montessori avec des tout petits. Autant dire que moi qui suis habituée aux ados… Je sais pas faire avec les petits, c’est vraiment très différent. Il a fallu s’adapter, beaucoup. J’ai un deuxième travail : je donne des cours du soir à des enfants qui vont de 5 à 15 ans, répartis en classe par âge et par niveau.
Pour les équivalences, j’avais regardé. Après, j’avais eu aucune réponse en cherchant de France. C’est vraiment une fois ici quand je me suis mise à chercher et que j’ai été assaillie d’appels, quand je te dis assaillie… ! Des fois, je ne répondais pas au téléphone et j’ai même dû refuser des entretiens. C’était vraiment la folie. Quand j’ai commencé à postuler, je me suis dit : « Ben voilà, tu postules partout, y en aura bien un ou deux qui appellera… » en fait, ils m’ont quasiment tous rappelée. Le travail, ça a été assez facile pour moi ! Voilà, il faut pas faire la fine bouche, moi je suis prof au collège et je me retrouve à Montessori et à faire des cours du soir. C’est pas vraiment des cours de soutien, c’est des cours pour qu’ils s’améliorent. C’est des très bons élèves qui prennent des cours pour être meilleurs.
En fait, je peux pas travailler dans les écoles qui sont gérées par l’État, parce qu’il me manque des diplômes. J’aimerais bien travailler dans un collège anglophone parce que je trouve ça intéressant, de découvrir et d’étudier la littérature anglophone. Je pourrais partir sur un master mais pour l’instant je n’ai trouvé que des masters d’enseignement avec en option la matière que tu veux enseigner, mais moi je verrais carrément un master littérature anglaise avec option enseignement.
Un projet familial
Quand j’ai eu 18 ans, je suis partie vivre au Chili pendant quinze mois, j’étais en mission militaire là-bas. Je suis partie juste après le bac et au retour, j’ai fini mes études. J’ai rencontré mon mari et on a eu nos enfants.
On a commencé à parler du PVT il y a de ça trois ans tout en se disant que, par rapport à la situation qu’on avait à ce moment-là, on pouvait pas partir tout de suite. Finalement, on a pris la décision de partir à l’automne, il a fallu qu’on attende l’ouverture des bassins et on s’est inscrits direct.
À partir du moment où on a pris la décision, on s’est dit : « Ça sert à quoi d’attendre plus que ça, puisque maintenant on sait ce qu’on veut ». On a un peu cette philosophie de vie.
Nos enfants ont cinq ans et trois ans. Quand on est partis, ils avaient quatre ans et deux ans. Le plus angoissant pour nous, ça a été le fait de les déraciner, bien qu’on se soit dit : « Ils sont encore jeunes, ça ne devrait pas poser de problème ».
Aujourd’hui, ma fille est dans sa troisième année d’école, elle a fait la petite et la moyenne section en France et elle est en grande section ici. Elle est dans une école canadienne anglophone. Sur ces trois années-là, elle a fait trois écoles. On est partis sans se donner d’objectif parce qu’on sait très bien que quand on part avec trop d’idées et trop de projets, y a trop de chances d’être déçus. On est partis avec des possibilités. On s’est dit : « On part, on reste les deux ans de PVT mais on rentre pas plus tôt », ça c’était sûr, par contre. Alors on a dit : « On verra » avec la possibilité dans le coin de notre tête de rester.
En tant que prof, en tant que parent, en France, le programme est trop lourd pour les élèves, les journées sont beaucoup trop longues. Ici, y a beaucoup moins de vacances scolaires, y a deux semaines à Noël, une semaine en mars et les deux mois de l’été, mais les cours se terminent à trois heures de l’après-midi. Les enfants sont moins martelés d’informations à longueur de journée, y a du temps pour faire des activités extra-scolaires : sport, musique, arts, etc. Et les outils pédagogiques sont beaucoup plus développés.
L’apprentissage de l’anglais pour les enfants
J’avais appris que dans certains pays d’Europe, notamment en Allemagne et dans les pays qui sont très facilement bilingues avec l’anglais, ils ne font pas tellement de doublage aux films, du coup, les enfants, depuis qu’ils sont tout petits, ont l’habitude d’entendre parler anglais à la télévision. Depuis que notre fille est toute petite, c’est pareil.
Elle ne savait même pas que les films et les dessins animés en français existaient parce qu’on lui a toujours mis en anglais. Ce qui fait qu’elle connaissait très bien la musique de la langue, elle connaissait certaines phrases sans savoir ce que ça voulait dire mais en tout cas, elle connaissait l’intonation. Quand elle jouait, elle disait des mots en anglais, ce qui fait que quand on est arrivés, elle a mis un mois à comprendre vraiment ce qu’on lui disait et encore deux semaines de plus pour s’exprimer. C’est allé très très vite.
Annoncer le projet aux enfants
Après le tirage au sort, je leur ai expliqué tout ça, en faisant attention à ce que ça corresponde vraiment à ce qu’ils étaient capables de comprendre à ce moment-là. On leur a montré des photos du Canada, ils savaient que c’était très très loin, qu’il fallait qu’on prenne l’avion pendant très longtemps et que c’était encore plus loin que là où étaient leurs grands-parents à ce moment-là. Qu’on partirait après les grandes vacances d’été et qu’ils allaient changer d’école, que les gens parlaient pas la même langue là-bas, qu’ils parlaient comme à la télé.
Ils étaient tellement excités de partir. Ma fille était vraiment contente, tout ce qu’elle voulait, c’était la neige ! C’est vrai que c’est facile de dire : « On part au Canada, l’hiver il y a beaucoup de neige ». Après, il a fallu lui dire que la neige, c’était pas tout de suite ! Ça a été, ils nous faisaient confiance je pense, les enfants.
Ma fille, qui a eu 5 ans en décembre, a fait sa fête d’anniversaire. Elle a invité une douzaine d’enfants. On a vu à quel point elle était intégrée, comme elle parlait avec ses copains et copines.
Ça a été un peu difficile pour ma fille, ses copines en France lui ont beaucoup manqué à une certaine période. Quand on lui parlait de revenir quelques semaines en France en été pour voir mes parents, elle nous disait qu’elle allait aller voir ses copines. Le déracinement a été plus difficile pour elle, mais mon fils, pas de souci. Y a eu une période où elle a eu un gros mal du pays, c’est passé en une semaine. Elle était pas bien. Un jour, on lui a demandé ce qui se passait parce qu’elle était tristounette, elle pleurait pour peu de choses, elle a éclaté en sanglots, elle nous a dit qu’elle voulait voir ses copines. À ce moment-là, on a fait des FaceTime avec ses copines en France et ça lui a fait du bien.
Apprendre à évoquer les manques
Il y a quelque chose qu’ils ne savaient pas dire avant mais qu’ils disent maintenant, c’est que quand on est au téléphone avec quelqu’un de la famille en France, ils vont exprimer leur manque. Ils vont dire : « Tu me manques ». On les encourage à s’exprimer parce que c’est important. À un moment, ils ne voulaient même plus téléphoner à mes parents parce que ça leur faisait de la peine de pas pouvoir les voir en vrai. On en a parlé, on a dit : « Eux aussi ressentent la même chose », mes parents leur ont expliqué : « C’est difficile de pas se voir mais on va se voir bientôt ». Mes parents sont venus en février. Quand ils sont repartis, on a dessiné un petit avion sur le calendrier pour les rejoindre cet été.
On s’est posés avec mon mari et on s’est dit : « Est-ce qu’il faut pas qu’on rentre ? ». On s’était pas du tout dit que la petite allait mal vivre ça. Là, de voir qu’elle allait pas bien, on s’est rendu compte que c’est pas nos petits projets qui priment… On lui a demandé : « Est-ce que tu veux qu’on rentre en France et ne plus jamais revenir ici ? » et il en est sorti qu’elle avait juste le besoin d’exprimer le choc qu’elle avait vécu en venant ici. C’est pour ça qu’on a pris la décision de rester définitivement au Canada seulement il y a quelques mois, on a eu besoin de temps pour prendre nos distances et observer.
Quand on a des enfants quand on fait ce genre de choses-là, quand on prend ce genre de décision, c’est très important d’être flexible, et de se dire que quoi qu’on ait en tête, le bien des enfants doit toujours passer en premier. C’est ce qui fait qu’on ne peut pas faire de plan à l’avance. Après, si on était partis tous les deux, à mon avis, si on n’avait pas eu d’enfants à ce moment-là, dès le début on se serait dit : « On part et on reste ». Ça coûte rien de se dire ça et de changer d’avis au dernier moment. Tandis qu’avec les enfants, on a besoin d’avoir toujours une certaine marge de manoeuvre et d’essayer de voir assez loin pour pouvoir prendre des décisions mais tout en ayant conscience qu’on reste dans quelque chose qui peut tout à fait changer du jour au lendemain. Je pense qu’il faut deux fois plus se remettre en question pour être sûr qu’on est dans la bonne direction. Je suis devenue plus à l’écoute de mes enfants !
Retrouver de vieilles connaissances
On a hésité sur notre destination et on s’est dit : « Est-ce qu’on va à Vancouver ou est-ce qu’on va plutôt vers Toronto ? ». À la base, on était plus partis pour soit l’Alberta soit la Colombie-Britannique parce que tous ces grands espaces, c’est vraiment ce qui nous attirait. On est venus dans la région de Toronto par facilité parce qu’avant que je parte au Chili, au lycée, on a accueilli une Canadienne qui a vécu avec nous pendant un an. En rentrant du Chili, j’étais passée la voir au Canada et j’étais restée quelque temps ici chez sa mère. Quand j’ai dit à « ma soeur » du Canada qu’on avait le PVT et qu’on allait venir, quelques semaines plus tard elle nous a rappelés et elle nous a dit : « Écoute, ma mère propose de vous héberger, elle a un appart chez elle au sous-sol ». On s’est dit que c’était plus sécure avec les enfants parce que même si on avait des économies, on voulait pas partir à l’aventure comme on serait partis si on ne les avait pas eus.
On s’est dit : « On vient là, on reste quelques semaines et puis on voit ! ». En fait, il se trouve qu’on est très bien ici d’autant que cette femme-là, elle vit seule dans une ferme et si on peut l’aider, on est contents de le faire. C’est beaucoup de travail pour cette petite femme. On a quand même notre intimité puisqu’on a notre appartement qui donne sur une partie du jardin où elle va rarement. Quand elle veut quelque chose, elle frappe et quand moi j’ai besoin de quelque chose, je monte. On vit un peu en famille avec elle, c’est un peu comme la grand-mère !
Aucun commentaire
{{like.username}}
Chargement...
Voir plus