Localisation
Toronto, ON, Canada
Profession
Développeur

Mathieu est arrivé au Canada en tant que pvtiste. Il y vit toujours 16 ans plus tard et a obtenu la citoyenneté canadienne. Dans l’interview ci-dessous, il vous parle de son parcours personnel et professionnel. Pour en savoir plus sur les étapes de sa demande de citoyenneté, d’un point de vue plus administratif, vous pouvez lire son récit Devenir citoyen canadien.

Interview Mathieu - Chiens de traineaux

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Bonjour, peux-tu te présenter ?
Bonjour, je m’appelle Mathieu, j’ai 39 ans et je viens de Nanterre, en région parisienne. Je suis parti en PVT au Canada il y a bientôt 16 ans et depuis, je n’ai plus quitté Toronto.
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Tu faisais quoi en France ?
J’ai fait des études d’informatique pour devenir programmeur mais avant de demander mon PVT Canada, j’avais trouvé un poste de conseiller en centre d’appels chez Free (je faisais de l’assistance par téléphone pour ceux qui rencontraient des problèmes avec leur box).
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Pourquoi cette envie de t’envoler pour Toronto ?
Alors, honnêtement, à la base, je n’avais pas l’intention de partir au Canada. Ma copine de l’époque, Julie, m’a téléphoné début 2005 pour m’expliquer qu’elle avait découvert un moyen de partir au Canada tout en étant autorisé à travailler. Ce sésame se résumait en trois lettres : PVT. Je ne me doutais pas à quel point son appel allait changer ma vie… À l’époque, j’avais 22 ans, j’avais toujours vécu chez mes parents et je venais de trouver un emploi avec un salaire plutôt correct. Je n’avais pas envie de partir, d’autant que j’avais le projet de prendre mon propre appartement. Et pour être honnête, je ne m’étais jamais imaginé quitter la France. Pendant plusieurs semaines, Julie a essayé de me faire changer d’avis et c’est vrai que pour compléter ses études en LEA, c’était un gros plus d’avoir fait un séjour à l’étranger. Du coup, après réflexion, je me suis dit « pourquoi pas ? ». En 2005, les demandes de PVT Canada pouvaient être faites directement à l’ambassade. On ne le savait pas, donc on a envoyé nos dossiers par courrier et on a dû attendre quelques semaines avant d’avoir une réponse. Un jour, Julie m’a appelé folle de joie en me disant qu’elle venait d’avoir son PVT. Je suis descendu vérifier mon courrier, et moi aussi j’avais une réponse favorable. À ce moment-là, je n’étais ni content, ni mécontent, je crois que je ne réalisais pas bien ce que ça voulait dire. Une fois ce PVT obtenu, il a fallu choisir une destination, pour pouvoir acheter nos billets d’avion. Montréal ? Pour parler anglais, c’est pas le top. Vancouver ? C’était un peu trop loin. Bon, c’était Toronto ou Ottawa. Un contact m’avait expliqué qu’à Ottawa, beaucoup de personnes étaient bilingues et que ce n’était pas forcément la meilleure destination pour s’améliorer en anglais. C’était donc Toronto ! Interview Mathieu - Toronto Downtown
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Comment se sont passés les quelques mois avant ton départ ? Parle-nous de la génèse de pvtistes.net.
Avec Julie, on a commencé à regarder des photos de Toronto, à regarder un peu le prix des logements, on a commencé à se projeter là-bas, mais on s’est rendu compte assez rapidement qu’il n’y avait pas beaucoup d’informations sur Toronto, ou du moins pas beaucoup d’information sur la vie de tous les jours : est-ce qu’il fallait avoir des garants pour avoir un appartement ? Où est-ce qu’on pouvait chercher du travail ? Comment ça se passait pour les transports ? Quel était le coût de la vie à Toronto ? Etc. En 2005, j’ai échoué à mon examen de BTS (je n’étais pas le plus studieux du monde…), je partais donc sans diplôme, avec un niveau d’anglais très bas, ce n’était pas particulièrement rassurant pour moi ce départ vers l’inconnu. C’est à ce moment-là que je me suis dit que ce serait bien de pouvoir échanger avec d’autres personnes qui partent en PVT Canada. C’est comme ça qu’est né pvtistes.net. Au début, c’était un tout petit site, un blog, qui est devenu en quelques semaines un forum de discussions puis plusieurs années plus tard, un site Internet à proprement parler (pour ceux que ça intéresse, il y a une chronologie disponible). Il y avait clairement un besoin d’information et d’échanges puisqu’en 3 semaines, on avait 100 membres inscrits sur le site.
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Et une fois sur place, le projet pvtistes.net a continué…
Oui, avec Julie, on passait tous les jours sur le site pour répondre aux questions des gens et pour raconter un peu ce qu’on vivait, donner les prix des loyers, donner des astuces en tout genre… Ce qui était super à cette époque c’est qu’on était peu nombreux sur le site, tout le monde « connaissait » tout le monde et on s’entraidait tous. Quand les uns et les autres arrivaient au Canada, ils retrouvaient ceux avec qui ils échangeaient depuis plusieurs semaines. Et en 2006, les pvtistes de Toronto sont allés à Montréal pour un week-end (on a tous été logés par les pvtistes qui étaient sur place) et ensuite, tous ceux de Montréal sont venus un week-end à Toronto (et les pvtistes torontois ont logé ceux qui venaient de Montréal). À Toronto, tous les vendredis soirs, on faisait une rencontre pvtiste, et chaque semaine ou presque, il y avait plus de monde que la fois précédente. Un Français en stage à l’Express de Toronto avait consacré un article à notre groupe de pvtistes et avait parlé d’une « famille de substitution », c’était exactement ça ! Évidemment, ce genre de choses ne peuvent pas durer quand un site prend de l’ampleur, mais ce sont de vrais bons souvenirs. Aujourd’hui, le site attire beaucoup plus de monde, mais on se réjouit de voir que tous les jours, des pvtistes actuellement en PVT ou des anciens pvtistes prennent le temps de répondre aux nouveaux qui s’inquiètent et s’interrogent sur les mêmes choses qu’eux (et nous, à l’époque !).
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Qu’est-ce que tu as ressenti pendant tes premières semaines à Toronto ?
La chose qui m’a frappé lorsque je suis arrivé à Toronto c’est sa multiculturalité. Il y a des dizaines de quartiers ethniques et ce mélange se passe sans accroc… Toronto est une ville à vivre, il faut s’imprégner de son ambiance, de ses quartiers et de sa population pour pouvoir vraiment en profiter. Si vous aimez l’architecture nord-américaine avec de grands buildings, de grandes rues, Toronto est fait pour vous ! Et il y a aussi des plages (excentrées, c’est vrai, mais elles ont le mérite d’être là !). Interview Mathieu - Plages de Toronto J’ai bien aimé l’ambiance de la ville et la sécurité qu’on ressent ici. On peut rentrer seul, sans crainte, même s’il est très tard, même quand on est une fille.
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Vivre à Toronto sans parler anglais, ça n’a pas été trop dur ? 
Quand je suis arrivé, j’avais un niveau d’anglais très bas. J’avais un gros blocage, je ne parlais pas, je ne comprenais rien. Je pensais que j’allais jamais m’en sortir. Heureusement, il y avait Julie, ce qui m’a permis de pouvoir m’installer dans une ville anglophone sans trop de difficulté, mais quand on me demande si venir à Toronto pour apprendre l’anglais est une bonne idée, je suis un peu partagé.
Je dirais que c’est une bonne idée si on prévoit de prendre, par exemple, un mois de cours d’anglais intensifs, pour vraiment être immergé tout de suite et pouvoir mettre en pratique au quotidien ce qu’on apprend en cours. Cette option nécessite de prévoir un bon budget, non seulement pour payer ses cours d’anglais mais aussi pour tenir sans trouver de travail pendant un mois. Si on vient à Toronto sans parler anglais et sans prendre de cours, je pense que le quotidien peut vite être très compliqué. Avoir Julie avec moi m’a permis d’ouvrir un compte, de chercher un logement ou encore de demander mon NAS/SIN facilement, mais sans elle, je ne sais pas comment j’aurais fait. La grande majorité des gens ne parlent pas du tout français à Toronto. Du coup, une fois ces démarches « difficiles » (quand on ne parle pas anglais, car sinon c’est très simple) faites, j’ai pu évoluer dans ce nouvel environnement anglophone sans angoisse particulière. J’échangeais avec un caissier, avec un chauffeur de bus, avec un voisin, du coup l’enjeu était moins important, c’était plus relax. Je ne veux décourager personne mais je ne veux pas non plus prétendre que c’est facile de vivre dans une ville anglophone sans parler anglais. Je dirais qu’il m’a fallu deux ans pour me « débloquer » en anglais. Après, il faut savoir qu’à Toronto, il y a beaucoup d’immigrants (asiatiques, indiens, européens, etc.) et du coup, ça décomplexe pas mal quand on arrive, car on se rend compte que notre accent n’est qu’un accent parmi plein d’autres dans la ville. Et je trouve que du coup, les gens sont hyper tolérants. Quand tu as un accent, ça ne dérange personne (et en plus l’accent français est toujours assez apprécié). Ce que je pourrais conseiller aux pvtistes qui choisissent d’arriver à Toronto, c’est de ne pas avoir honte de parler avec un accent français, car c’est classe ici ! Il faut se lancer, personne ne va se moquer de vous, il ne faut pas rester figé sinon après on a un blocage pendant longtemps. Les premières semaines sont cruciales !
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Et maintenant, comment tu décrirais ton anglais ?
Aujourd’hui, je comprends tout ce qu’on me dit, même au téléphone (au début, le téléphone, c’est vraiment compliqué !). Mon expression orale n’est pas parfaite mais je peux avoir des conversations courantes sans souci. C’est le cas notamment quand je joue au squash avec des anglophones ou que je passe une soirée avec mes voisins et leurs amis. Après, les blagues et l’argot, parfois, ça reste difficile. Je ne comprends pas toujours tout mais je me suis forcément beaucoup amélioré en 16 ans.
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Peux-tu nous donner des détails sur ton parcours migratoire au Canada ?
Jusqu’à la session 2014, le PVT Canada pour les Français ne durait qu’un an, donc mon PVT a duré jusqu’au mois de septembre 2006. Ensuite, grâce à l’emploi que j’avais trouvé, j’ai obtenu plusieurs permis de travail.
En 2009, j’ai lancé ma demande de résidence permanente, que j’ai obtenue en quelques mois seulement, parce que je suis passé par la Catégorie de l’Expérience Canadienne (CEC), qui a été intégrée, en 2015, au programme Entrée Express. En 2014, j’ai demandé la citoyenneté canadienne, que j’ai obtenue en quelques mois seulement. Si vous voulez plus d’informations sur cette demande, j’en parle dans un autre récit : Devenir citoyen canadien. Interview Mathieu - Citoyennete canadienne
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Parlons emploi ! Quelles opportunités as-tu eues pendant ton PVT et après ?
Avec Julie, en début de PVT, on a galéré, il faut bien le dire. On n’était pas trop au fait des candidatures « à la canadienne » et de façon plus générale, on n’avait pas beaucoup d’expérience professionnelle. On a trouvé un petit boulot de deux jours au Salon du livre de Toronto (installer des stands et les défaire à la fin du salon), mais c’est à peu près tout ce qu’on a trouvé en deux mois, ce qui était particulièrement difficile, moralement parlant (sans compter que nos économies fondaient comme neige au soleil). J’ai un peu travaillé comme programmeur freelance mais ce statut en ayant des clients anglophones ne me convenait pas donc j’ai rapidement arrêté.
Julie a trouvé un emploi comme professeur de français pour adultes chez Berlitz et comme au Canada, le réseau fonctionne énormément, ça m’a permis de passer moi aussi un entretien chez eux et de décrocher un boulot de professeur de français. Ce qui était bien, c’est qu’en étant prof chez eux, je pouvais bénéficier gratuitement de cours d’anglais de groupe, du coup j’ai pu gagner de l’argent et m’améliorer en anglais. Deux mois environ après notre arrivée, on s’est inscrit dans des agences d’interim, ce qui m’a permis de trouver un boulot de vendeur par téléphone (en français). Ce n’était pas transcendant mais je gagnais environ 14 $ de l’heure. J’ai dû faire ça pendant 3 semaines, avant de trouver un boulot dans mon domaine, à mi-temps. Je travaillais au Collège Boréal en tant qu’assistant informaticien et environ 9 mois après le début de mon PVT, j’ai trouvé un boulot à temps plein dans l’informatique (poste en français, dans une entreprise qui embauchait pas mal de Canadiens francophones, ce qui m’a beaucoup aidé pour décrocher le boulot mais aussi pour m’intégrer !) dans une entreprise où je suis resté plusieurs années. Aujourd’hui, quand je rencontre des pvtistes, ce qui ressort de nos discussions c’est que ceux qui parlent bien anglais trouvent toujours du travail car leur bilinguisme est un vrai plus. En revanche, ceux qui ne parlent pas anglais, ça passe ou ça casse. Autant, ça passe pour beaucoup, autant pour d’autres, c’est vraiment difficile, et malheureusement, ces pvtistes ont souvent honte de témoigner. Ce qu’il faut bien avoir en tête, c’est que l’anglais est indispensable dans tout ici, donc quand on ne parle pas anglais, tout devient compliqué, même passer le moindre coup de fil. C’est un cercle vicieux. Dans le meilleur des cas, ces pvtistes partent pour Montréal, mais dans le pire des cas, ils repartent du Canada. Ça n’a rien à voir, mais il y a une question qu’on me pose souvent concernant le travail, c’est le statut d’indépendant. C’est beaucoup plus simple qu’en France, notamment en terme de paperasse. Pour ceux qui veulent plus d’informations, on a un article sur le sujet : Être travailleur autonome au Canada (freelance).
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Pour ce dernier emploi, comment s’est déroulée ton embauche ?
Alors déjà, je voudrais préciser que j’ai répondu à une offre d’emploi pour être infographiste, ce qui n’est pas du tout mon domaine. J’avais quand même décroché un entretien (sans doute parce que j’avais mis dans mes références le projet pvtistes.net) et apparemment, je m’en étais hyper bien sorti, donc le directeur m’a dit que je n’étais pas pris pour le poste d’infographiste mais qu’en revanche, il avait un poste de programmeur qui allait se libérer. À la fin de l’entretien, je me rappelle qu’il a dit a la DRH quelque chose comme « voilà un entretien de Français ! ». Je lui ai montré le site, ce que je faisais dessus, j’ai expliqué que j’étais bénévole, il s’est baladé sur le site, et je pense que tout ça a joué en ma faveur. Après, il faut bien garder à l’esprit qu’un employeur au Canada peut nous virer quand il le veut, sans avoir de compte à rendre, donc forcément il peut embaucher un candidat qui lui a fait bonne impression sans craindre la suite. Si le candidat ne lui convient finalement pas, il le vire ! Moins d’un an après mon embauche, j’ai évolué à un autre poste et mon salaire a commencé à être vraiment bon.
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Maintenant, tu es à temps plein sur pvtistes.net depuis quelques années. Quel est ton rôle sur le site ?
Oui, après pas mal d’années en tant que bénévoles, on a pu se mettre à travailler à temps plein sur le site, grâce aux partenaires publicitaires. Moi, je suis en charge de la partie informatique. Je m’occupe de résoudre les problèmes techniques, de trouver de nouvelles fonctionnalités, j’ai travaillé sur la création de notre application sur mobile, etc. Et je m’occupe aussi de nos besoins ponctuels pour des projets comme notre pvtistes tour de 2016 et nos Salons du PVT, en 2016 et en 2019. J’ai travaillé sur le site de l’événement.
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Quelles ont été tes plus grosses difficultés à Toronto ?
Trouver un emploi les premiers mois, l’anglais, les entretiens ratés car mon anglais ne suivait pas… C’est dur par moments, il ne faut pas perdre confiance en soi, il faut s’accrocher. Trois mois après être arrivés au Canada, avec Julie, on devait avoir quelques dizaines de dollars sur notre compte en banque. Un peu plus et on aurait dû rentrer, mais on a touché une paie et surtout, on a trouvé tous les deux des boulots un temps plein (dans le centre d’appels où on faisait de la vente par téléphone) et là, notre situation a changé du tout au tout car on a quitté ce boulot chacun notre tour, quand on a trouvé mieux. Moi, dans l’informatique et Julie, comme réceptionniste bilingue dans un ministère (poste qu’elle a trouvé via l’agence de placement Quantum). Ces difficultés, je ne les regrette pas, parce que ça forge. Et puis, après coup tu te dis que tu as réussi à surmonter les problèmes et à arranger les choses, ça donne confiance en soi. En PVT, je n’avais pas les mêmes enjeux qu’en France. Quand je vivais chez mes parents, si je n’avais pas d’argent, eh bien je ne sortais pas. Mais là, c’est tout mon projet canadien qui pouvait être remis en question si je ne trouvais pas d’emploi.
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Pour toi, 2 500 $ d’économies, ça suffit pour un début de PVT à Toronto ?
Si on ne trouve pas un boulot dans le premier mois, je pense que 2 500 $CA, c’est très compliqué. Quand tu viens seul, c’est encore pire. Pour une colocation très bien placée, on peut payer jusqu’à 1 200 $ par mois, voire plus, aujourd’hui à Toronto (il y a quand même des prix plus raisonnables pour des colocations moins bien placées ou moins grandes ou lumineuses). Tu dois te meubler, souscrire à un forfait téléphonique et puis tu sors forcément un peu. Du coup, je dirais qu’il faut dans les 5 500 $ au minimum. Et quand on ne parle pas anglais, il faut prévoir un budget en plus pour prendre des cours d’anglais.
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Quel est ton meilleur souvenir ?
C’est pas évident après près de 16 ans… peut-être quand j’ai trouvé mon premier boulot à temps plein dans mon domaine, parce que ça a débloqué ma situation. Avant, à mi-temps, j’étais précaire, et puis mon boulot n’était pas très intéressant. C’est à partir de cette embauche que mon PVT a pris une autre dimension.
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Est-ce que certaines choses françaises te manquent ?
Oui, la nourriture et puis le fait qu’en France, on ait tout à portée de main, d’un point de vue touristique. Il y a la mer, la montagne, et il y a l’Europe juste à côté. Aux alentours de Toronto, on fait vite le tour, ou alors il faut prendre l’avion ou rouler pas mal de temps. Avant de partir, je n’avais pas conscience de cette chance. J’ai pas assez voyagé en France. Interview Mathieu - Route hiver Canada Interview Mathieu - Coucher de soleil automne Concernant les amis, tu te rends compte au bout de 16 ans que tu n’as plus vraiment d’amis en France. C’est difficile de maintenir des amitiés à distance. Ça devient de plus en plus superficiel parce qu’on ne se voit jamais. Evidemment, il y a des amitiés qui tiennent mais on peut les compter sur les doigts d’une main. Quand je pense à mes parents, je me dis que j’aimerais pouvoir être là pour les aider de temps en temps et puis, quand je m’imagine avoir un enfant, je me dis que ce n’est pas évident de l’envisager sans ses proches autour.
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Tu dirais que c’est facile de se créer un cercle d’amis avec des Canadiens ?
Ça dépend vraiment sur qui on tombe. Il y a ceux qui sont hyper sympa de prime abord, mais qui en fait sont juste aimables parce qu’il « faut » être aimables mais qui ne vont jamais rien te proposer. Et puis il y en a aussi qui sont plus comme les Français : si le courant passe bien, ils n’hésitent pas à nous inviter à boire un verre chez eux. Il faut savoir qu’au Canada, dans beaucoup de cas, les groupes d’amis se forment dès l’enfance. Ils rencontrent des gens très jeunes et ils ne les quittent plus. Même dans les couples, on voit souvent des gens qui se sont connus au collège ou au lycée. Ils restent souvent dans leur cercle d’amis de longue date et ils n’essaient pas de se faire de nouveaux amis, ils en ressentent pas le besoin. Après, c’est impossible de faire des généralités, mais c’est quelque chose qu’on constate souvent. Par exemple, au squash, j’ai rencontré des mecs super sympa, avec qui je joue souvent et au final, ça ne va jamais plus loin. Un de mes potes canadiens, je l’ai rencontré à une station-service. Je lui ai parlé pour lui dire que je trouvais sa voiture sympa, du coup on s’est mis à discuter, on s’est échangé nos adresses e-mails et maintenant on se revoit souvent.
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Tu as aussi rencontré pas mal de Français ?
Oui, j’ai un cercle d’amis français ici, avec qui je fais beaucoup de choses. Interview Mathieu - Lac Canada
Interview Mathieu - Hiver canadien Interview Mathieu - Canoe Il y a beaucoup de pvtistes qui évitent les Français, car ils se disent qu’ils ne sont pas venus ici pour ça. Souvent, ils les évitent pendant quelques mois ou quelques années, mais ensuite, ils se rapprochent de la communauté française, parce qu’à bien des égards, c’est plus simple. Même si on est parfaitement bilingue, quand on parle avec des Français, on peut passer de bons moments, parce qu’on a le même humour (notamment le second degré), parce qu’on a les mêmes origines, parce qu’on parle politique, etc. C’est parfois délicat d’aborder des sujets « conflictuels » avec les Canadiens. Débattre, s’emporter, ce n’est pas forcément quelque chose qui leur plaît. Alors qu’entre Français, on sait qu’on peut débattre sur un sujet sans pour autant se brouiller. Et puis, c’est bête, mais parler français, parfois ça fait du bien, on peut dire tout ce qu’on veut, comme on veut, sans trop avoir à réfléchir. Passer une soirée à parler anglais quand on ne maîtrise pas bien la langue, c’est épuisant et parfois frustrant (parce qu’on n’a pas réussi à dire ce qu’on voulait dire, ou encore parce qu’on n’a pas compris toutes les blagues…). Mais bon, c’est difficile de faire des généralités car à Toronto, beaucoup de personnes viennent d’autres pays donc c’est un vrai mélange de cultures. L’autre jour, quelqu’un m’a parlé d’un Français qui avait dit, sur Facebook, que Toronto était une ville « trop cosmopolite ». Vraiment, je ne comprends pas cette phrase. C’est à l’opposé de la mentalité d’une ville comme Toronto justement… Dans la ville, il y a des quartiers où les gens sont un peu regroupés par communautés, les Italiens, les Portugais, les Grecs, etc. mais les gens se mélangent bien au quotidien, c’est une des forces du Canada, l’intégration est assez facile. Beaucoup de Français se regroupent aussi entre eux, et je pense que côtoyer des gens de son pays n’empêche pas d’avoir une intégration réussie. Il y a un truc que j’aime bien ici, c’est que pendant la Coupe du Monde de foot, par exemple, les gens défendent des équipes très différentes selon leurs origines et sur leur voiture, ils ont tendance à mettre deux drapeaux, celui de leur pays d’origine et celui du Canada. On ressent vraiment que les gens ici, même s’ils viennent d’ailleurs, sont fiers d’être canadiens. Ils voient leur immigration au Canada comme une chance, ils sont un peu reconnaissants, je dirais.
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Qu’est ce qui te manquera si tu rentrais en France ?
Je dirais le mode de vie, l’ambiance de Toronto. Je trouve ça moins stressant. J’ai toujours vécu à Paris donc peut-être que je ne compare pas ce qui est comparable, il y a sans doute des villes moins stressantes en France que Paris. Mais en tout cas, Toronto, c’est une grande ville où il fait bon vivre et c’est un mélange parfait.
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Ça t’arrive de te demander ce qu’aurait été ta vie si tu étais resté en France ?
Oui, ça m’arrive et ça me fait un peu peur. Je ne suis pas sûr que j’aurais eu un beau parcours en France. Quand je suis parti, je n’avais pas mon BTS et au Canada, ça ne m’a jamais posé aucun problème. Je suis rentré en France pendant mon PVT pour passer mon BTS et je l’ai eu, mais je n’en ai pas eu besoin pour être embauché. Ici, ils ne regardent pas vraiment les diplômes (sauf dans certains domaines pour lesquels c’est primordial), et puis le BTS ça ne leur parle pas de toute façon. Montrer pvtistes.net, ça a été beaucoup plus concret que n’importe quel diplôme, pour montrer ce que je savais faire. En France, je me dis qu’on aurait peut-être attendu de moi de faire de plus hautes études, donc pour ça, le Canada me correspond beaucoup mieux.
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Qu’est ce que cette expérience t’a apporté ?
Je vais citer Julie quand elle a écrit sur nos débuts au Canada. « Enfants, c’est le mot que j’utiliserais pour nous décrire à ce moment précis Mat et moi. Nous entrons dans l’avion comme pour partir en vacances, avec une bonne dose d’inconscience et de détachement face à l’aventure qui nous attend. Si nous avions su tout ce qui nous attendait, dans nos vies, nos carrières, notre couple, nous aurions sans doute adopté une attitude moins détendue, mais c’est, je pense, l’un des aspects les plus charmants de cette aventure, ne pas savoir ce que l’avenir nous réserve… » En France, on vivait chez nos parents, on n’avait pas de facture à payer, c’était facile. Alors qu’en PVT, on a dû tout faire par nous-mêmes. Ça a été une expérience très formatrice. Si tu as des échecs, tu en apprends. À la base, on ne peut pas dire que j’avais le profil rêvé pour partir trouver du travail dans mon domaine au Canada, mais au final, ça a bien fonctionné pour moi, donc même si je ne veux pas vendre du rêve aux futurs pvtistes, je tiens à rassurer ceux qui ne parlent pas bien anglais ou qui n’ont pas de diplôme. Le fait d’être débrouillard et/ou proactif est sans doute plus important que d’avoir un super profil.
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Quels conseils tu donnerais aux futurs pvtistes au Canada ?
De temps en temps, je rencontre des pvtistes qui vivent mal la distance avec leurs proches. Ils ne se doutaient pas de cette difficulté et ils se la prennent de plein fouet. Il y a aussi des gens qui n’aiment pas Toronto, qui trouvent que c’est une ville moche. Donc de façon générale, je recommanderais aux pvtistes de ne pas trop imaginer leur PVT, parce que trop se projeter (et surtout trop idéaliser son PVT), c’est multiplier les risques d’être déçu. Il vaut mieux partir avec des attentes assez basses et voir ce qui se passe. Essayez aussi de ne pas tout comparer avec la France, dites-vous que plein de choses sont différentes au Canada et que c’est pour le découvrir par vous-mêmes que vous êtes là.
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Quels sont tes projets aujourd’hui ?
Je ne sais pas, peut-être avoir un enfant. En avoir un ici ça a des avantages et des inconvénients. Économiquement, c’est un inconvénient, parce que tout est très cher (pendant l’enfance mais aussi ensuite, lorsqu’il fait des études. Les études coûtent très cher au Canada !) et en Ontario il n’y a pas d’aide. Quand une personne a plusieurs enfants ici, on sait qu’elle en a les moyens car elle ne peut compter que sur elle. À d’autres niveaux, par contre, le Canada me paraît être un bon pays pour élever un enfant, notamment en terme de tolérance. Ce qui me plait aussi ici, c’est que si j’ai un enfant, il parlera français avec nous à la maison et anglais à l’école. C’est une chance et je serai fier de voir mon enfant me reprendre parce que j’ai fait une faute en anglais.
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Ca te rappelle des choses ?
Oui, je me dis que mon enfant se moquera de mon accent, comme moi je me moquais de l’accent de mon père 😉
Mon père est vietnamien, il est arrivé en France à 20 ans, donc à peu près à l’âge que j’avais quand je suis arrivé au Canada, il s’y est installé, il a dû repartir à zéro,  il a fondé une famille et a eu un beau parcours professionnel.  
 
Edit du 26 juillet 2021 : je suis maintenant papa d’une petite fille de 3 ans née à Toronto et qui a déjà un meilleur accent anglais que moi… Dans quelques années, ce sera à son tour de se moquer de mon accent français 🙂
Julie

Cofondatrice de pvtistes.net, j'ai fait 2 PVT, au Canada et en Australie. Deux expériences incroyables ! Je vous retrouve régulièrement sur nos comptes Insta et Tiktok @pvtistes avec plein d'infos utiles !
Cofounder of pvtistes.net. I went to Canada and Australia on Working Holiday aventures. It was amazing!

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(35) Commentaires

Aymeric I |

Bravo Mat et encore merci pour le site ! Quelle bonne idée ! Merci également de ce témoignage… Je remercie aussi Julie qui t’a poussé 😉 Je vais tenter sans cours d’Anglais. Je dois venir la semaine prochaine, je dois trouver un poste à Toronto pour commencer… D’après ton expérience, j’ai peu de chance de trouver dans les premiers mois, la somme d’argent dont je dispose va rapidement se réduire et je rentrerai puisque je n’aurai pas le choix dans deux mois maximum. Je suis plus vieux, plus expérimenté sur mon travail en échange, mais contrainte financière lourde et peu de temps, la mission impossible débute dans quelques jours…

Rq : Y a t-il encore des réunions de PVTiste à Toronto ? 😉 Peut être certains français ou francophones recherchent un ingénieur système Linux / administrateur système Linux…

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Mathieu I |

Salut Aymeric,
Désolé je n’avais pas vu ton message ! J’organise des soirées tous les mois à Toronto et la prochaine est le 15 mars : https://pvtistes.net/evenements/rencontre-pvtistes-toronto-le-15032018/

Alexandre I |

Bravo. !

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eric I |

bonjour Mathieu, je suis joe et je voudrais avoir un entretient avec vous ?

Mathieu I |

Salut Éric,
Je ne comprends pas trop ta requête, tu peux être un peu plus clair stp 🙂
Merci

eric I |

Merci
Jai besoin d’une famille d’acceuille vivant au canada. Pour que je puisse remplir mes criteres de refugier.

Michael I |

Hey Mat 🙂 ça fait plaisir d’avoir de tes nouvelles ! C’est sympa de revoir ton parcours et celui du site, quelle belle aventure ! Bonne route à toi, continue comme ça 😉
et merci Julie pour l’interview 🙂 bise à vous deux

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Mathieu I |

Salut Michael !
Merci, ça fait un bail… J’espère que tu vas bien 🙂
Le site a bien évolué depuis notre génération de pvtistes non ? 😀

Hélène I |

Merci pour cette interview super touchante et perso, @Mat. On comprend mieux ton parcours, on sent l’investissement perso pour pvtistes.net et un chouia de nostalgie (positive) dans ton récit.
Ton aventure (et celle de Julie, évidemment) a changé la vie de milliers de personnes et a facilité tellement de projets, dont les miens.
Merci encore 😀

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Mathieu I |

De rien Hélène… Merci à toi de nous avoir rejoint et d’être une wonderful community manager 😉

Hélène I |

<3

Célestine I |

Nanterre ! On est voisins haha ! Blague à part c’était un plaisir de te lire ! Comme Julie j’ai fait une LEA, et comme je ne trouvais pas de VIE donc je me suis tournée logiquement vers le PVT, cela fait 2 ans que je ne pratique plus l’anglais de manière régulière, et c’est un peu dans le but de le renforcer.

Je pars dans un mois, avec minimum $4000 en poche, je n’ai pas vraiment eu le temps d’économiser (voire ma présentation haha ) mais je suis bilingue donc je pense (j’espère) trouver un emploi qui puisse me permettre de vivre confortablement, assez vite… en tout cas ton récit me rassure un peu sur ce point !

Après ce qui me fait un peu peur c’est que d’après ce que tu dis, ils semblent être assez amateurs de « preuves » plutôt que de looongues lignes sur le CV qui décrivent tes supers diplômes et expériences…

Tu as tout à fait raison quand tu parles de la chance qu’on a d’être en Europe pour tout ce qui est voyage, on est à portée de tout et pour pas cher, cela risque de me manquer… J’ai eu l’occasion de de faire Barcelone, Dublin, Londres, Cologne etc. dans le cadre de voyages d’études et touristiques je ne sais pas comment je vais tenir en place une fois à Toronto, mais bon comme vous dites, le mieux c’est de ne pas trop se projeter 😀

Bizarrement ce qui m’inquiète le plus c’est la partie socialisation, même si je n’ai pas de difficultés en anglais, je suis très timide de nature, je pensais faire un effort personnel, aller vers les Canadiens et me faire des « amis pour la vie », mais je comprends qu’ils risquent de ne pas de me rendre la tâche facile ! Après la ville étant multiculturelle j’ai hâte de rencontrer des gens de toute nationalité qui vivent en quelques sortes la même aventure que moi !

En tout cas j’espère avoir une histoire toute aussi belle à raconter dans 2 ans voire plus…

Petite question : Tout ce que tu racontes, tu l’as vécu il y a un peu plus de 10 ans, qu’est ce qui a changé le plus pour un PVTiste en 10 ans ? As-tu constaté des aspects qui ont évolué, des choses qui te paraissent plus faciles ou plus difficiles qu’il y a 10 ans ?

Un grand merci pour cette interview mais également pour le site pvtistes.net qui est d’une aide immense dans la démarche PVT, personnellement je ne sais pas si j’aurais réussi à concrétiser mon projet sans ce site, donc MERCI.

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Mathieu I |

Salut Célestine,
Désolé je te réponds un peu tard mais j’avais pris quelques jours de vacances 🙂

Au sujet de ta question concernant l’évolution de la vie à Toronto pour un PVTiste en 10 ans, il y a plusieurs choses qui ont changé :
– la recherche de logement semble plus compliqué qu’avant d’après certains témoignages que j’ai pu avoir de pvtistes. Les loyers ont également bien augmenté depuis 2005. N’hésite pas à faire des recherches sur le site, il y a pas mal de discussions sur le forum à ce sujet.
– la recherche d’emploi : maintenant les employeurs sont tous sur les réseaux sociaux comme linkedin etc. donc n’hésite surtout pas à te créer un profil si ce n’est pas déjà fait.

À part ça, je ne vois rien d’autre 🙂
Si tu as d’autres questions, n’hésite pas à les poser dans cette discussion : https://pvtistes.net/forum/vos-impressions-et-questionnements-avant-le-depart/22731-toutes-vos-questions-sur-toronto.html

À bientôt sur Toronto peut-être 😉

Johanna I |

Merci pour ton témoignage ! Je me rends compte de plus en plus qu’il ne faut pas trop prévoir et vivre, profiter de chaque instant pour finalement voir ce que cela donne.

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Julie I |

Tu as bien raison 🙂

Alexandre I |

Ca fait plaisir de te lire et ça me permet de me remémorer des souvenirs lointain mais qui sont toujours présents dans nos tetes avec Birounette.
Bonne continuation chez les caribous et take care 🙂

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Julie I |

Ehhh salut vous ! 🙂

Mathieu I |

Merci Alex ! Ça fait un bail, j’espère que vous allez bien tous les 2 😉

Julie I |

Il était temps qu’on t’interviewe, non ? Ah ah !!
Mais ça valait le coup d’attendre, ça permet de faire un beau bilan de ton « canadian dream » 😉

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Mathieu I |

Ahah oui, merci à toi de m’avoir inciter à la faire 🙂