Voilà presque 10 mois que j’ai décidé de tenter cette aventure un peu folle mais ô combien excitante d’aller vivre à Tokyo et de découvrir le Japon. Quelles ont été mes difficultés ? Si c’était à refaire, ferais-je les choses autrement ? Quels conseils donnerais-je à de futurs pvtistes au Japon ? Aujourd’hui il est temps de faire le bilan.
Avant le PVT : mon rapport avec le Japon
J’ai toujours été attirée par la culture japonaise. Comme beaucoup, ce sont d’abord les films qui m’ont fait découvrir le calme de la campagne nippone et cette mentalité de contemplation du temps qui passe que j’aime tant. Mes études m’ont poussée à m’intéresser à des aspects plus historiques et sociologiques de la culture japonaise. J’ai été fascinée par cette différence de culture dans presque tous les aspects de la société, et c’est peut-être ce que j’aime le plus aujourd’hui dans cette vie au Japon : le fait que je sois chaque jour surprise par un nouvel aspect de la culture nippone et que rien ne ressemble à ce que j’ai pu précédemment connaître.
En 2019, j’ai rendu visite à une amie qui étudiait au Japon. Ces deux semaines de voyage ont confirmé mon intérêt pour le pays, mais ce n’était pas assez et je suis restée sur ma faim. Quand, pendant le confinement, cette même amie qui était devenue ma colocataire m’a proposé de partir un an ensemble en PVT, j’ai tout de suite accepté.
Nous nous sommes donc envolées à deux pour Tokyo, presque trois ans après notre premier voyage commun au Japon.
Mes principales attentes avant le départ : réussir à me créer une routine à Tokyo
Bien que je sois de nature à tout planifier, il était hors de question de me poser des contraintes qui me feraient manquer une opportunité. Je ne voulais pas avoir de regrets si un voyage planifié depuis des mois depuis la France sans connaître la réalité du terrain me faisait décliner une invitation d’une personne rencontrée par hasard sur place.
Mes précédentes expériences de voyages m’ont appris qu’on n’est jamais à l’abri d’une rencontre qui va chambouler notre programme et qu’il est, du moins pour moi, important de se laisser une grande marge d’improvisation.
Qu’espérais-je donc d’une année entière passée au Japon ? Eh bien, je ne savais pas trop et surtout je ne voulais pas savoir. Ce que je voulais, c’était arriver dans ce (presque) inconnu et improviser.
Bon, aussi, si je veux arrêter de me la jouer totale aventurière, pour un peu mieux verbaliser mon souhait, ce que je voulais, c’était réussir à me créer une routine à Tokyo : que l’épicier de mon quartier me reconnaisse dès que je viendrai faire mes courses, que je puisse déambuler dans les rues sans GPS ou, le Graal ultime, que je croise par hasard des amis dans Tokyo. Tout ça aurait été la preuve que j’aurais un petit peu réussi à me créer un quotidien dans une nouvelle ville.
Pour atteindre ce but, la seule chose que j’avais prévue tenait dans les deux semaines suivant mon arrivée au Japon. Avec mon amie, nous avions réservé un hôtel pour 14 jours. La fin de notre réservation sonnait notre échéance pour avoir rempli plusieurs missions : avoir fini toutes les formalités administratives d’arrivée, avoir trouvé un appartement et, si la chance était avec nous, avoir décroché notre premier emploi.
En pratique, qu’est-ce que j’ai fait pendant mon PVT ?
Étrangement, nous avons presque réalisé tous nos objectifs dans le temps imparti. Grâce à des connaissances sur place et à beaucoup de chance, nous avons trouvé un appartement dans le centre de Tokyo que nous avons meublé, tout en passant de longs après-midi entre la municipalité, la banque et les magasins de forfaits téléphoniques pour pouvoir démarrer notre PVT sur de bonnes bases.
La problématique de l’emploi s’est réglée au fur et à mesure, de manière plus ou moins précaire selon les mois. Vous pouvez découvrir tous les petits boulots que j’ai faits au Japon, les salaires et comment je les ai trouvés dans cet article : Faire des petits jobs (baito) au Japon sans parler japonais.
L’avantage des petits boulots au Japon, c’est qu’on choisit les jours où l’on veut travailler. J’ai donc pu moduler mon emploi du temps selon mes envies de voyages, mes rencontres et mes besoins d’argent.
Pour caricaturer, je travaillais quelques semaines sur Tokyo puis je dépensais l’argent gagné dans des voyages, et je répétais ce cycle. Cela m’a permis de passer Noël à Nagano et d’y faire du ski, de découvrir le Kansai, de faire un road trip à Hokkaido, de profiter de la saison des cerisiers en fleur dans la région d’Hiroshima ou encore de faire de la plongée à Okinawa. J’ai eu aussi la chance d’avoir des missions en ligne, me permettant de travailler de n’importe quel endroit disposant d’une connexion internet.
Ma principale difficulté : maîtriser le japonais
Sans surprise, mes principales difficultés ont eu lieu à cause de ma faible maîtrise du japonais. Elles étaient plutôt de l’ordre administratif et pratique. Pourquoi ai-je reçu une facture aussi élevée de paiement de sécurité sociale ? Tout simplement, car il y avait eu une erreur. Comment commander un taxi alors que je suis au beau milieu de la campagne et que je ne sais pas indiquer ma position en japonais ? En demandant à une amie par message d’appeler pour moi.
En voyage, et surtout dans un pays aussi sûr et pratique que le Japon, tout problème a une solution. En s’armant de patience, de Google Maps et de l’outil photo de Google Traduction, tous mes problèmes liés à la maîtrise de la langue ont été réglés.
Ce que j’ai aimé au Japon
J’ai aimé être surprise et apprendre de nouvelles choses au quotidien. Chaque jour, j’avais une nouvelle question. Pourquoi y-a-t’il des espaces entre les immeubles de Tokyo ? Pour leur permettre de bouger en cas de tremblement de terre. Pourquoi les portes des temples (Torii) sont-elles rouges ? Parce que la couleur rouge contient du mercure, ce qui permet de préserver leur structure, souvent en bois. En bref, on ne peut jamais s’ennuyer et on découvre au quotidien de nouveaux aspects de la culture qu’ils soient religieux, architecturaux, culinaires, politiques ou encore historiques.
J’ai aimé la vie à Tokyo. Je sais que certains détestent mais j’ai été très agréablement surprise par la qualité de la vie : une ville où il est facile de marcher, avec de grands parcs, où je ne me sentais pas étouffée et où je me sentais en sécurité et libre. Il y a toujours un événement où se rendre et on peut accéder à de nombreux autres types de paysages en à peine une heure : montagne, mer ou forêt.
J’ai aimé les habitants du Japon, qu’ils soient japonais ou étrangers comme moi. Plusieurs fois, on m’a aidée spontanément et on m’a invitée à partager des moments conviviaux comme des repas ou des sorties à la plage. J’ai eu de longues discussions avec des Japonais sur les différences culturelles entre la France et le Japon et c’était passionnant.
J’ai aimé la diversité culturelle du Japon. Si rester plusieurs mois sur place m’a bien appris une chose, c’est à quel point l’image du Japon que je m’étais faite depuis la France était erronée. Dans les documentaires ou les films, on dépeint souvent le Japon uniquement par le prisme de deux régions : le Kanto (la région de Tokyo) et le Kansai (la région d’Osaka et de Kyoto). Pouvoir voyager dans une grande partie du pays m’a fait me rendre compte de la diversité culturelle des régions. S’il y a quelques mois on m’avait montré des photos d’Hokkaido (au nord) et d’Okinawa (au sud), jamais je n’aurais cru que c’était le Japon. Je ne sais pas si le terme « régionalisme » serait adapté mais en tout cas, découvrir les différents plats, danses et coutumes des différentes régions japonaises a été très enrichissant.
Ce que je n’ai pas aimé au Japon
Pour être honnête, il n’y a rien que je n’ai pas aimé au Japon. En revanche, je sais que sur le temps long, certaines choses auraient pu me déranger et c’est pour cela que je ne souhaite pas y rester sur le long terme.
Par exemple, la culture du travail japonaise est fascinante et je suis contente d’avoir pu l’observer partiellement, mais je sais qu’elle ne me conviendrait en aucun cas pour un emploi à temps plein. Voici d’autres exemples qui sont très personnels, mais qui font que j’aurais du mal à me projeter pour une vie stable au Japon : le fait que cela puisse être impoli de parler fort (mes amis vous diront que je parle TRÈS fort), la difficulté à voir des amis spontanément sans planifier, le besoin de se plier aux règles (qu’on y adhère ou non) ou tout simplement mon faible niveau de japonais qui constitue toujours une barrière (mais c’est totalement de ma faute puisque je n’ai pas assez étudié).
Qu’est-ce que je suis fière et heureuse d’avoir réalisé pendant ce PVT ?
D’abord, de partir tout simplement. Tout quitter et repartir de zéro pour une année n’est pas toujours aussi facile que ce que des photos Instagram peuvent laisser paraître. Tenter l’aventure est déjà une petite fierté en soi.
Ensuite, j’ai pu réaliser plusieurs de mes rêves : voir Joe Hisaishi (le réalisateur des musiques des films de Hayao Miyazaki) en concert à l’opéra de Tokyo, faire mon propre feu d’artifice sur la plage comme dans les films, voir des cerisiers en fleur et le Mont Fuji ou encore visiter certains lieux qui ont inspiré mes films préférés, comme le village de Tomonoura pour Ponyo sur la falaise.
Enfin, j’ai eu des opportunités que je n’aurais jamais pu imaginer : travailler dans un festival de cinéma et rencontrer des réalisateurs d’animés que j’admire, avoir une mission de mannequinat, me faire de nouveaux amis, faire une randonnée à 4 h du matin le soir du réveillon pour voir le premier lever de soleil sur le Mont Fuji, voir un tanuki, avoir une chasse aux trésors géante dans Tokyo organisée pour mon anniversaire, me baigner dans la mer glacée ou encore participer à des matsuri (festivals) d’été.
Bref, chaque instant a été précieux et mémorable et cela est en grande partie dû aux rencontres que j’ai faites sur place, et dont je suis extrêmement reconnaissante.
Est-ce que j’ai des regrets ? Est-ce que si c’était à refaire, je ferais les choses différemment ?
Je pourrais dire que je regrette de ne pas avoir pu visiter tous les endroits que j’aurais aimé voir (Shikoku en tête), mais on ne peut pas tout faire et surtout, j’ai pu faire tellement de choses chouettes que ce n’est que partie remise.
Mon seul petit regret est que j’aurais pu prendre plus le temps de travailler mon japonais. Je m’y suis mise plus sérieusement à plus de la moitié de mon PVT. Si cela ne m’a clairement pas empêchée de faire plein de choses comme trouver du travail ou me faire des amis, j’ai quand même conscience que cela a pu me fermer certaines portes.
Qu’est-ce que je retire de cette expérience ?
Pour moi, partir en PVT une année nous donne deux choses : du temps et de la liberté.
L’un et l’autre sont forcément liés. C’était la première fois depuis longtemps que je n’avais pas de routine et où je pouvais organiser mon emploi du temps comme bon me semblait. C’est une très grande chance de bénéficier d’autant de liberté.
Je suis extrêmement reconnaissante que les accords bilatéraux entre la France et le Japon existent car le visa PVT nous accorde beaucoup d’avantages : facilité à rester sur le territoire pendant une année (certaines nationalités n’ont pas d’autres choix qu’un visa travail, époux-se ou étudiant), pas de restriction en termes de temps de travail ou encore avantages financiers (en tant que résident, nous étions bénéficiaires de la politique d’incitation à la reprise du tourisme à base de réductions dans la réservation de logements ou de coupons à dépenser dans différentes destinations par exemple).
Je tiens vraiment à insister sur ce point : on ne se rend jamais autant compte de la chance qu’on a de vivre dans un pays (qu’on cherche peut-être à « fuir ») que quand on le quitte. Après avoir rencontré plusieurs amis sur place originaires d’autres pays, on comprend rapidement la différence entre « immigration choisie » et « immigration subie ». En tant que français et canadiens, nous avons vraiment beaucoup de chance de pouvoir nous permettre de nous dire « on part pour une année découvrir le Japon ».
Je tire un bilan extrêmement positif de ce PVT, que ce soit sur le plan professionnel, humain ou culturel. J’ai tellement aimé cette année que j’ai pour objectif de partir une nouvelle fois en PVT à Taiwan dans les prochaines années (il me faudra quand même bien quelques années pour me remettre financièrement de cette année au Japon avant de repartir à l’aventure).
Mes derniers conseils si vous souhaitez partir au Japon
Ne partez pas avec des préjugés. On lit sans arrêt sur Internet des généralités essentialisantes sur les Japonais : « les Japonais seraient comme ci », « les Japonais seraient comme ça ». Faites-vous votre propre avis et ne tombez pas dans le piège d’expliquer tout comportement par une nationalité.
Aussi, on a tendance, lorsqu’on part à l’étranger, à vouloir rester avec la communauté francophone. Bien qu’il soit très utile et rassurant d’être entouré de gens qui nous comprennent et peuvent nous aider, ne passez pas à côté des rencontres avec des personnes originaires d’autres pays. Dans les grandes villes notamment, il y a d’importantes communautés de Chinois, de Coréens, de Philippins, de Taïwanais et d’Indonésiens.
Le PVT offrant beaucoup de temps libre, vous pouvez aussi explorer des coins plus reculés et moins touristiques et tout aussi magnifiques. Le Kansai est très prisé par les touristes mais vous pouvez découvrir des pépites en vous éloignant des sentiers battus (Kumano Kodo, Hokkaido, Nagano, etc.).
Enfin, mon dernier conseil INDISPENSABLE pour votre PVT Japon : mangez des melon pans (des sortes de brioches). Plein. Les meilleurs sont ceux du 7/11. Goûtez-les, vous ne serez pas déçus et les boulangeries françaises ne vous manqueront presque pas.
Bref, j’espère que ce retour d’expérience vous motivera à tenter l’aventure. Nous avons la chance de pouvoir bénéficier de cette opportunité unique qu’est le Programme Vacances-Travail alors, si votre situation vous le permet et que vous en rêvez, ne laissez pas des doutes vous retenir !
Chaque PVT est bien sûr différent. Parfois, certains peinent à s’intégrer socialement au Japon, d’autres n’arrivent pas forcément à s’adapter à la différence de culture ou à trouver du travail. Dans mon cas, partir à deux, être de nature sociable et avoir habité dans la capitale a bien sûr forcément aidé à mon appréciation positive de l’expérience. Je ne peux garantir en rien qu’une aventure en PVT ne soit jamais semée d’embûches ou de moments difficiles, mais pour finir sur une phrase philosophique bien clichée : rien n’est forcément tout rose, mais mieux vaut vivre avec des remords que des regrets !
Pour découvrir mon récit de PVT sous forme audio, mais aussi ceux d’autres pvtistes partis dans les différents pays du PVT, découvrez notre podcast Changez d’Horizon disponible sur toutes les plateformes d’écoute.
(1) Commentaire
Quel super témoignage, merci Camille ! Je rêve de visiter le Japon et ton récit m’a conforté dans mon projet 🙂
{{like.username}}
Chargement...
Voir plus