Bonjour, est-ce que tu peux te présenter ?
Je m’appelle Kanda, j’ai 32 ans, j’ai demandé mon PVT à la limite de mes 31 ans (en août 2023) et je suis partie le 23 mai 2024 (pour une arrivée sur place le 24). En France, j’ai fait des études de graphisme, mais avant mon départ, cela faisait plus de huit ans que je travaillais en EHPAD (agente des services hospitaliers). Ma vie n’allait nulle part : pas d’enfant, pas de compagnon, pas de CDI (que des CDD renouvelables), etc. J’étais totalement libre, mais avec un regret, que m’a fait prendre conscience un accident de voiture (où j’aurais dû mourir) : ne pas avoir fait de PVT au Japon.
Je suis d’origine asiatique (Laotienne), adoptée, et je ne parle pas un mot de japonais (mon anglais est assez bancal aussi).
Pourquoi avoir choisi le PVT au Japon ?
Depuis mon enfance, je suis bercée par la culture japonaise, avec des animés diffusés sur les chaînes nationales. Mais à mon entrée au collège, j’ai subi du harcèlement et je me suis enfermée dans les mangas, le cosplay, l’animation, la mode (c’étaient les années lolita, visual kei, etc.) et la culture japonaise.
Comment se sont passées ton arrivée et ton installation au Japon ?
Mon arrivée et mon installation étaient préparées depuis « longtemps ». En janvier, je regardais déjà les logements à Tokyo. Pour le loyer, mon budget était d’environ 500 €/mois, et j’ai trouvé, dans une share house à Asakusa, une chambre de 10m², bien située.
J’ai eu la chance que la chambre soit disponible dès le 25 mai (j’arrivais le 24). J’ai pris une nuit d’hôtel non loin du Sensō-ji, car je voulais le voir de nuit et je savais qu’avec le décalage horaire, je ferais une nuit blanche. L’état des lieux et la visite de la share house ont duré environ 1 h 30. Je dispose d’un frigo, d’un lit et d’un bureau. Pour l’installation, j’avais repéré divers magasins à 10 minutes à pied.
À lire : Tout savoir sur les share houses au Japon !
Dans les 15 jours qui ont suivi, j’ai fait les diverses démarches : inscription à la mairie, obtention d’un numéro de téléphone et ouverture d’un compte en banque. La mairie a été le plus long, environ 2 heures, le numéro de téléphone 30 minutes et pour la Japan Post Bank, premier passage un lundi, pour la prise de rendez-vous, puis ouverture du compte le mardi et environ 15 jours plus tard, j’avais ma carte bancaire.
Tu travailles actuellement à Tokyo, comment est-ce que tu as trouvé ce baito ? Et est-ce que tu as trouvé la recherche d’emploi simple ou non ?
J’ai trouvé mon emploi en parlant aux gens lors d’une soirée au Bonjour Tokyo Bar (un bar français dans le quartier de Komagome). Au début, je cherchais sur Craigslist, Daijob, etc. Au bar, un autre pvtiste m’a parlé de Yolo Japan. C’est donc sur ce site que j’ai trouvé mon part-time (emploi à mi-temps) dans une guesthouse à 10 minutes à pied de ma chambre.
À lire : Les liens utiles pour trouver du travail au Japon
La recherche d’emploi m’a semblé plus simple qu’en France. J’ai commencé mes recherches mi-juin et j’ai débuté mon baito le lundi 8 juillet. J’ai fait l’entretien un lundi ; le jeudi, on m’a annoncé que je travaillerais dès le week-end mais comme j’avais mes tickets d’entrée pour un événement cosplay, non annulables ni remboursables, j’ai commencé que le lundi, soit une semaine après mon entretien.
Est-ce que tu peux nous raconter un peu comment ça se passe à ton travail ?
Très bien ! En fait, je suis cleaning staff (agent d’entretien), et c’est sensiblement ce que je faisais déjà à l’EHPAD (je pense que c’est pour ça qu’ils m’ont prise aussi). C’est bizarre ce que je vais dire, mais ça me plaît, j’aime bien faire du ménage, l’ambiance est bonne. C’est pour ça que j’ai préféré rester dans ce baito plutôt que de trouver un full-time (emploi à plein temps), qui m’aurait sans doute permis de mieux vivre. La plupart du staff est constitué de pvtistes ou d’étudiants, ils ont l’habitude de travailler avec des étrangers, et les front desk (réceptionnistes) parlent tous anglais. Actuellement, je suis la seule Française.
À lire : La culture du travail au Japon : comment ça fonctionne ?
Hormis ton travail actuel, est-ce que tu as eu d’autres expériences professionnelles au Japon ?
J’ai fait du pet-sitting (garde d’animaux) et j’ai guidé, durant deux jours, un groupe de Français à Tokyo. J’aurais pu faire du mannequinat, mais j’ai postulé dans des agences un peu tardivement (en décembre). J’étais réticente à l’idée de postuler, car des personnes comme moi, ils en ont plein, et des plus jolies et plus mignonnes. Une agence m’a répondu, mais mi-janvier, avec un entretien durant mon voyage dans le sud du pays. Au final, j’ai décliné, car pour le peu de temps qu’il me reste, je trouve que ça ne vaut pas le coup surtout que les contrats tombent souvent au dernier moment et que les plannings, à la guesthouse où je travaille, sont faits un mois à l’avance.
On dit souvent que le Japon est un pays cher, est-ce qu’avec ton travail et tes économies tu t’en sors au niveau du budget ?
Alors, j’ai fait le test de garder TOUS mes tickets de caisse concernant la nourriture sur un mois. Je suis une femme avec un petit gabarit et je n’ai pas un gros appétit. Je dépense environ 250 € par mois pour la nourriture. Mon baito ne paie que mon loyer, malheureusement, car il est à mi-temps (à temps plein, j’aurais été large). Et j’avais 10 000 € d’économies.
Là où c’est compliqué, c’est avec tous les cafés/restos à thème et les pop-up stores éphémères avec des goodies exclusifs. J’aime beaucoup d’univers d’animés et de mangas, et j’ai forcément envie de les faire donc j’ai fait des écarts.
Est-ce que tu as réussi à rencontrer des gens facilement sur place ? Et si oui, comment ?
Il faut savoir que je suis une personne solitaire, je ne cherche pas à aller vers les gens. Le PVT me convient très bien pour cette raison. Quand on a peur de la solitude, c’est compliqué d’envisager un WHV. Le Bonjour Tokyo Bar m’a fait rencontrer quelques personnes, ainsi que de vivre en share house (à mon arrivée, on était 4-5 Français).
À lire : Comment se faire des amis en PVT au Japon
Les événements cosplay aussi. J’ai surtout rencontré des anglophones, car avec les Japonais, il y a la barrière de la langue. Ils donnent volontiers leurs réseaux sociaux, mais ça s’arrête là.
Je connaissais également une personne déjà sur place avant mon arrivée, une Suissesse mariée à un Japonais, qui m’avait proposé son aide. Mais je préfère essayer toute seule avant de demander de l’aide, donc elle n’a pas eu à intervenir.
Est-ce que tu as rencontré des difficultés pendant ton expérience ?
Pas vraiment, j’ai trouvé mon rythme assez rapidement. Dès que j’ai eu mon baito, une routine s’est installée. La vie ici est apaisante et relaxante comparée à la France. J’avais besoin de prendre mon indépendance. En France, sans CDI, impossible de prendre un appartement, j’étais encore chez papa/maman et la pression de ma mère et son besoin de s’accrocher à moi étaient devenus invivables.
Psychologiquement, c’était plus compliqué vis-à-vis de la famille. Ma mère m’appelait TOUS les jours pour savoir ce que je faisais. Sauf que parfois, rien : je me reposais à la share house ou je me promenais sans objectif particulier, juste pour prendre le temps de vivre et le plaisir de respirer.
Ma cousine, très proche de ma mère (peut-être même plus que moi), me surveillait sur les réseaux sociaux (Instagram, car, via le cosplay, j’ai une petite communauté qui a suivi mes aventures). Je me suis vue contrainte de la bloquer.
Ma cousine travaille dans le même EHPAD où je travaillais, et elle me disait le nom des personnes décédées. Sauf qu’en étant à 10 000 km, seule, même en m’étant forgé une coquille, mentalement, t’es seul. J’ai mis un stop à ses messages en ne répondant plus.
Pour mon PVT, j’avais besoin de bonnes vibes. Je suis dans un pays que j’aime (donc pas le droit de me plaindre), à vivre ma meilleure vie (non pas que je me fiche de ce qui se passe en France), mais j’ai « fui » pour une bonne raison.
À lire : Partir pour fuir, et alors ?
Qu’est ce que tu aimes le plus dans ta vie au Japon ?
Ma liberté ! Je suis en pleine ville, dans le quartier d’Asakusa, et même si je n’ai plus d’argent sur ma carte de transport, je sors et j’ai tout à proximité : le Sensō-ji, Ueno, Akihabara, à 30 minutes à pied.
Le sentiment de sécurité. Je peux bouger et rentrer seule à pied le soir sans m’inquiéter de potentielles mauvaises rencontres dans la rue. J’ai été abordée 2-3 fois par des hommes, mais ils n’ont jamais été très insistants.
Je vis au jour le jour, pleinement, alors qu’en France, j’étais devenue spectatrice de ma propre vie, sans aucun objectif particulier.
Tu fais du cosplay, est-ce que tu peux nous parler un peu de cette activité en général et surtout de sa pratique au Japon ?
Je pratique le cosplay depuis 18 ans. J’ai débuté cette activité suite à mon harcèlement au collège, j’avais 14 ans à l’époque, c’était pour me faire prendre plus confiance en moi. Ça a plus ou moins fonctionné. xD
Le cosplay, rapidement, regroupe plusieurs loisirs créatifs comme la couture (au Japon, beaucoup moins, car ils achètent du tout fait), la stylisation de wig (perruque), le make-up, etc. Bien que le cosplay soit beaucoup pratiqué au Japon, ça vient en fait des US. La pratique n’est pas la même au Japon qu’en Europe ou aux Etats-Unis.
Le Japon est vu comme le pays du cosplay, mais c’est aussi le pays où il y a le plus de règles strictes sur cette pratique. Les guides véhiculent encore l’idée fallacieuse que les gens s’habillent en cosplay dans la rue, c’est à moitié vrai.
Effectivement, nous pouvons porter des cosplays dans certains quartiers, notamment Ikebukuro, uniquement lors des événements cosplay (souvent organisés par acosta!). Nous avons une zone délimitée dans le quartier et certains magasins/restaurants sont en droit de nous refuser l’accès. Il nous est interdit de venir directement en cosplay, nous nous changeons et maquillons sur place (quand on achète un ticket, ça comprend les vestiaires, la consigne à bagages et le retour en civil le soir après l’événement).
Au Japon, ils ont aussi énormément de studios photos (que ce soit pour du modeling ou du cosplay) reproduisant plusieurs ambiances très diverses et variées (il faut trouver le bon quand on fait du cosplay), que j’ai eu la chance de tester en tant que cosplayer, mais aussi en tant que photographe.
Retrouvez l’interview complète de Kanda sur sa pratique du cosplay Témoignage : pratiquer le cosplay en France et au Japon
Tu as visité un peu le Japon, est-ce qu’il y a un endroit ou une expérience que tu as particulièrement apprécié et dont tu voudrais nous parler ?
Toutes les villes ont leur charme. Avant le PVT, j’ai effectué deux voyages touristiques (je suis montée jusqu’à Sendai), et lors de mon voyage dans le Sud, je suis descendue jusqu’à Fukuoka en bus, en m’arrêtant dans plusieurs villes : Nagoya, Kobe, Hiroshima, Miyajima et Fukuoka.
À lire : Profiter du “V” Vacances de PVT au Japon (tourisme, culture, logistique)
Une ville que j’ai beaucoup aimée pour le côté historique, c’est Hiroshima, mais il faut avoir le cœur bien accroché. Toute la ville est marquée par la tragédie du 6 août 1945, avec de nombreuses stèles avec des photos des bâtiments d’avant la catastrophe, à quoi ils servaient et à combien de mètres de l’hypocentre de la bombe ils se trouvaient. Le Parc de la Paix est extrêmement impressionnant, bien que situé en plein centre-ville, il y règne un silence glaçant, comme si la bombe, en anéantissant les vies et la ville, avait aussi « englouti » la vie future. C’est une triste histoire à ne surtout pas oublier !
Ton PVT touche bientôt à sa fin, quels sont tes projets pour la suite ?
À vrai dire, je ne sais pas ! Je vais sûrement refaire des remplacements à l’EHPAD, mais j’aimerais trouver un CDI pour décoller de chez mes parents et pouvoir mieux me projeter.
Avant de partir, j’avais pour projet, et c’est toujours dans les tuyaux, d’ouvrir des studios photo à thème dans l’idée de ceux qu’il y a au Japon (j’ai fait de l’espionnage industriel ). J’ai contacté plusieurs conventions pour faire des tables rondes/conférences sur le PVT Japon et le cosplay au Japon.
Pour terminer, est-ce que tu aurais des conseils à donner aux futurs pvtistes au Japon ?
Vivez sans regrets, et qui ne tente rien n’a rien ! Le PVT, personne ne vous en voudra si vous ne le faites pas jusqu’au bout, mais toutes les expériences de vie sont bonnes à prendre !
Écoutez les conseils des autres pvtistes, mais après, chacun est libre de vivre son PVT comme il le souhaite. On n’a qu’une vie !
Merci Kanda pour ton témoignage ! 🙂
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