Localisation
Paris, France
Profession
journaliste

Nous avons rencontré Marjorie, une Française qui a vécu 9 ans au Canada et qui est désormais de retour en France. Elle nous parle de son expérience et nous donne ses conseils pour que le retour se passe bien.

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Bonjour Marjorie ! Peux-tu te présenter ?
Bonjour. Je m’appelle Marjorie Murphy, j’ai 44 ans, de nationalités française et canadienne puisqu’en 2014 j’ai pris la nationalité de mon pays d’adoption. Journaliste dès l’an 2000 notamment à Radio-Classique et Europe 1 à Paris, je deviens chroniqueuse culturelle à Toronto à peine arrivée et reste 9 ans à la radio et la télévision de Radio-Canada : critique de films, pièces de théâtre, Festivals internationaux, interviews de stars… la totale. Malgré tout ce tralala, j’ai toujours voulu rentrer en France, ce que l’on finit par faire avec mon mari et nos 2 enfants (nés au Canada) en 2015. Un retour chaotique qui s’est traduit en un projet très excitant : « Ex Expat » un podcast sur le retour des expatriés en France.
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Pourquoi avoir choisi de t’installer au Canada ?
En 2002 je rencontre mon futur mari britannico-canadien qui galère à Paris depuis quelques années : avec un master de droit il est barmaid. En 2006 il me demande donc en mariage et dans la foulée me dit qu’il aimerait essayer de vivre au Canada (après 7 années en France) pour trouver un boulot « à sa mesure ». J’accepte après avoir passé les vacances au Canada. Il me sponsorise pour avoir ma résidence permanente rapidement. Nous partons en septembre 2006. 4 mois plus tard je suis embauchée par Radio-Canada.
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Te rappelles-tu de tes premiers mois au Canada ? Comment se sont-ils passés ?
Difficile. J’avais habité New York pendant 1 an en 1996, et je rêvais d’une ville folle comme la grosse pomme. A la place, je découvre une ville assez pépère, Toronto. Je me rends vite compte qu’en fait je n’avais pas du tout envie de partir de France. La France, mes amis, ma famille, mon boulot à Europe 1 me manquent. Heureusement je trouve vite un travail intéressant et tombe enceinte de notre premier enfant. Les relations avec les Canadiens, notamment les Québécois, au travail sont parfois conflictuelles car je n’ai pas encore compris que je dois me mettre au diapason de leur culture et non l’inverse. A l’époque je ne suis pas sur Facebook et ne connais pas le monde des expats et des pvtistes, il y a peu de Français à Toronto : donc difficile d’être aidée ou comprise.
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A quel moment, et pourquoi, t’es-tu dit que tu voulais rester vivre au Canada ?
Je n’ai jamais vraiment voulu rester au Canada. J’ai même tanné mon mari pendant des années. J’avais l’impression d’être en transit et d’attendre de repartir. Et puis ma fille est née en 2012. Et là j’ai eu une sorte de révélation : il était clair qu’on allait finir notre vie au Canada et qu’il fallait bien que j’atterrisse. Je me suis enfin ouverte à la culture, me suis fait de plus en plus d’amis de toutes les nationalités. Mais surtout je me suis rapprochée de la communauté française. Quand j’ai compris que je pouvais aussi avoir la culture française (notamment les apéros… 😉 ) à Toronto, je me suis dit que ce n’était pas grave si on restait !
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Quelles ont été tes démarches pour pouvoir rester vivre au Canada ?
La résidence permanente a été assez facile, à part de faire un gros dossier en France avec des photos du mariage pour prouver que ça avait vraiment existé et des choses bizarres comme raconter mes 10 dernières années de vacances, et une visite médicale. Mais en 6 mois j’avais ma RP. Après, les papiers sur place, la sécurité sociale, l’assurance maladie ont pris un peu de temps et d’énergie. Pareil pour les papiers pour travailler. Mais ça a été relativement facile. Même si les fonctionnaires (ce que je suis devenue en travaillant pour Radio-Canada) sont plus sympathiques qu’en France en général, pas toujours facile tout de même d’avoir les bonnes réponses, encore moins en français à l’époque.
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Après 9 ans au Canada, tu viens finalement de rentrer en France. Pourquoi ?
Ironie du sort, c’est mon mari qui a voulu rentrer après quelques difficultés à son travail. Je crois qu’il s’est rendu compte que même si c’était son pays (il est arrivé au Canada à 11 mois), il n’était pas du tout en phase avec la mentalité canadienne. L’Europe (pas la France) lui manquait. Et il m’a rappelé que je l’avais assez gonflé comme ça pour rentrer. Nous avons donc décidé, malgré les copains et famille qui nous prévenaient des difficultés de l’hexagone, de rentrer.
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Comment se passe le retour après une si longue expatriation ?
C’est très difficile. D’abord parce qu’on croit qu’on rentre chez nous, alors que pas du tout. Personne ne nous attend, on gonfle tout le monde à parler de l’autre pays, à faire des comparaisons. Au Canada j’étais la « maudite française » en France j’étais la « chiante de canadienne ». D’ailleurs pendant 6 mois, alors que nous rentrions souvent en France pour les vacances et que cela se passait très bien, je n’ai rien compris de ce que disaient les Français : pas les mêmes références… J’étais partie trop longtemps. Je n’arrivais même pas à finir mes phrases, mon cerveau ne marchait plus. J’ai eu tout de même la chance d’avoir toujours ma carte vitale grâce aux piges que j’avais faites pendant mes 9 années au Canada pour des médias français, et que mes parents nous hébergent. Du coup pas trop de galères administratives. Mais 2 ans et demi après le retour, je n’ai toujours pas de boulot fixe. Très difficile de faire admettre mon CV qu’on dit ici « atypique ». Oui, je ne suis pas restée dans les « cases » à la française. Tout cela m’a donné envie d’aider ceux qui se posent des questions « je rentre ou pas ? Pourquoi je rentre ? Est-ce que le retour est difficile ? ». Les nombreuses pages Facebook d’expats m’ont montré que les gens se posaient beaucoup de question. Je produis donc un podcast Ex Expat Le podcast, qui sera sur toutes les plateformes dès le 20 avril. Témoignages et experts pour un retour plus serein.
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Si tu devais comparer la vie au Canada et la vie en France, que nous dirais-tu ?
Deux sociétés diamétralement opposées. L’une qui va vers le futur, peut-être un peu trop vite, mais qui prône l’inclusion, le mélange des cultures, l’ouverture d’esprit et le succès mais en oublie les bases d’un vrai savoir et d’une vie de partage. L’autre, rétrograde et coincée dans ses convictions d’un autre siècle, mais qui aime la vie, l’amitié, les désirs, la beauté… Difficile de choisir ! Un mélange des 2 serait peut-être un monde parfait… et donc impossible !
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Quels conseils donnerais-tu aux pvtistes qui sont sur le point de rentrer en France ?
D’écouter mon podcast… 😉 Surtout comprendre que le retour est comme une autre expatriation. Il faut tout réapprendre et même si on meurt d’envie de partager notre expérience car il est évident qu’on s’est ouvert l’esprit à autre chose, ne pas oublier aussi d’écouter ceux qui sont restés. Se préparer à revenir, dans tous les sens du terme. Je dirai même de préparer le retour au moment ou on s’expatrie pour un autre pays. On oublie que peut-être un jour on va revenir et le jour où on revient, on est complètement paumé parce qu’encore une fois on croit qu’on revient à la maison et que rien n’a bougé ! Enfin ne pas redevenir ce pourquoi on est parti. Je suis sûre que vous me comprenez…
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Finalement, te sens-tu plus Canadienne ou Française ?
Je me sens bien plus Française, profondément Française… Mais je sais aujourd’hui que ma part de Canadienne, même si elle a eu du mal à pousser, a finalement vu le jour et me donne cet équilibre, ces questionnements, cette curiosité, cette envie de voir évoluer le monde dans le bon sens.
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Et maintenant, quels sont tes projets ?
Emmener vite mes enfants en vacances au Canada, qu’ils revoient le pays où ils sont nés et qu’ils n’oublient pas… Mais à court terme, c’est évidemment mon podcast qui me tient à cœur. Tout le monde a une histoire, tout le monde devrait pouvoir la raconter pour permettre aux autres de profiter des erreurs, des bons plans, des conseils… de la vie quoi ! Alors je vous donne rendez-vous le 23 avril pour Ex Expat Le podcast. 🙂

Merci d’avoir répondu à nos questions Marjorie !
Si vous êtes un ancien PVTiste rentré en France, n’hésitez pas à contacter Marjorie à cette adresse [email protected] pour participer à un prochain podcast dédié au Working Holiday Visa.

Annelise

Après un an passé à découvrir l'Australie en PVT, puis un an à Toronto et 6 mois dans l'ouest canadien (toujours en PVT), je suis ensuite partie en vadrouille un peu partout autour du globe. J'ai rejoint l'équipe de pvtistes.net en 2018 et je vous accompagne maintenant au quotidien sur nos différents réseaux sociaux. :)

I spent one year exploring Australia on a working holiday, followed by another year in Toronto and 6 months in Western Canada. After that, I travelled around the globe. I joined the pvtistes.net team in 2018 and share helpful resources with our community on social media. :)

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(3) Commentaires

Voilivoilou I |

Bonjour,
Je viens d’écouter le premier épisode de la saison 1. C’était très interessant et bien produit, bravo à Marjorie et à son équipe. Mon retour m’angoisse un peu donc j’essaie d’avoir le plus d’information et de témoignages possible pour me préparer au mieux. Je vais écouter les autres épisodes.

Pliz I |

Merci beaucoup Marjorie pour ton témoignage. Je trouve l’analyse que tu as faite de ton expérience vraiment intéressante. Aborder de cette manière le caractère bien singulier du statut d'(ex)immigrant non seulement dans son pays d’accueil mais aussi dans son pays d’origine n’est pas forcément chose aisée; je pense que ça parlera à plus d’un ici. Bonne continuation avec Ex Expat. 🙂

lucie I |

Super article ! Merci de ce partage !