10La poursuite des 88 jours, ou comment éviter les abus dans le secteur

Chaque année, un peu comme un marronnier, des médias australiens et internationaux consacrent des sujets à l’exploitation que subissent les backpackers et d’autres travailleurs étrangers, souvent payés bien en deçà du salaire minimum. En novembre 2017, une étude conduite par 3 universités auprès de 4 322 personnes ayant un visa temporaire (pas seulement des pvtistes) révélait que près d’une personne en PVT sur 7 avaient eu une expérience dans le fruit picking rémunérée à 5 $AU de l’heure ou moins, et que près d’un tiers avaient déjà eu une rémunération de 10 $AU de l’heure ou moins. Les jeunes venant d’Asie (Corée, Chine, Taiwan, Hong-Kong) sont particulièrement touchés par ces bas salaires. Il est inutile de le nier : il y a parfois de gros soucis dans le fruit picking.

Les bas salaires ne sont malheureusement pas les seuls abus rencontrés par les backpackers. Outre les arnaques où vous devez payer pour décrocher un boulot (en avançant de l’argent pour un logement, pour un certificat de police ou pour du matériel alors que vous n’êtes même pas encore sur place), il existe des cas de harcèlement moral ou sexuel, des conditions de logement indécentes ou extrêmement précaires. Parmi les cas les plus graves, des confiscations de passeports et des agressions sexuelles (très rarement, heureusement).

Certaines villes ont acquis une mauvaise réputation ces dernières années, notamment du fait des mauvaises conditions de travail des backpackers (notamment Bundaberg et Mildura).

Beaucoup d’abus recensés dans le fruit picking concernent des pvtistes qui cherchent coûte que coûte à atteindre les 88 jours de « farm work », en acceptant parfois d’être payés un salaire de misère (en dessous du salaire minimum légal) pour obtenir les papiers nécessaires pour le second visa. Sachez que vous n’obtiendrez peut-être même pas de 2e ou 3e Visa Vacances-Travail si vous acceptez des conditions salariales aussi mauvaises. Une Écossaise qui avait travaillé au moins 104 jours dans les fermes pour être sûre d’avoir son visa s’est vu refuser sa demande car elle n’avait pas gagné assez d’argent (elle avait accepté de travailler pour 2,5 $AU de l’heure).

Dans de telles situations, vous pourriez être aidé gratuitement en vous tournant vers l’agence gouvernementale Fair Work Ombudsman (FWO) qui s’occupe des rapports professionnels en milieu de travail et qui gère les plaintes. Sur leur site web, vous pouvez ainsi retrouver des informations sur vos droits dans le secteur professionnel dans lequel vous travaillez. Vous pouvez aussi les contacter si vous pensez qu’il y a des abus sur votre lieu de travail. Les démarches peuvent prendre du temps, et vous pouvez croire qu’une plainte ne vous apportera rien ou encore que la plainte prendra trop de temps à aboutir (si elle aboutie). C’est possible, mais si Fair Work reçoit des plaintes récurrentes au sujet d’une entreprise, l’agence sera sûrement plus rapide à agir et à faire cesser les abus. Même si vous ne tirerez peut-être aucun bénéfice de cette démarche, vous pourriez contribuer à ce que personne d’autre ne subisse les mêmes abus.

Par ailleurs, voici quelques conseils pour éviter de vous retrouver dans des situations délicates. Certains de ces conseils viennent de Fair Work Ombudsman pour limiter les risques d’abus.

Précautions lors de votre cherchez un emploi

  • Attention aux annonces trop belles pour être vraies (peu de travail, peu d’heures, mais plein d’argent à la clé). Il s’agit le plus souvent d’arnaques.
  • Évitez de signer des contrats de travail avec des personnes que vous auriez rencontrées dans un aéroport régional ou à un dépôt de bus, et qui vous proposeraient un boulot garanti pour du picking de fruit, de légumes, avec en plus l’aspect du logement ou des transports pris en charge.
  • Ne répondez pas aux annonces quand il n’y a qu’un prénom et un numéro de téléphone mobile. Les employeurs « légitimes » publient leurs offres d’emploi en donnant le nom de leur entreprise, publient leurs annonces dans des journaux ou recrutent via l’intermédiaire d’agences de placement.
  • Si vous ne sentez pas un employeur, si vous voyez sur Internet des retours selon lesquels il ne communique pas ou peu, a toujours des excuses pour vous refuser des demandes plutôt basiques ou ne vous paye par dans les temps, évitez de perdre votre temps avec lui et commencez à chercher un boulot ailleurs.
  • Sachez pour qui vous travaillez et sous quelles conditions : vous avez le droit de demander le nom de l’entreprise et son numéro ABN (Australian Business Number). Vous pouvez demander sous quel type de contrat vous allez travailler (généralement casual), combien de temps ils vont avoir besoin de vous, etc.

N’attendez pas d’être à sec pour trouver un boulot dans le fruit picking

Ne dépensez pas l’ensemble de vos économies avant de commencer à bosser dans le fruit picking en vous disant « c’est bon, je vais aller dans telle région pour faire du fruit picking et me refaire une santé financière ». Avoir un peu d’économies vous permettra de mieux sélectionner vos employeurs et de ne pas être contraint financièrement de travailler pour des employeurs peu scrupuleux. Vous aurez ainsi le luxe de pouvoir dire non à des employeurs qui proposent des paies de misère ou qui souhaitent profiter de votre statut d’étranger qui ne connaît pas forcément les règles du travail en Australie.

Dès que vous voyez que vos économies commencent à fondre, commencez à chercher du travail, n’attendez surtout pas le dernier moment. Ce serait le meilleur moyen de vous retrouver dans des situations limites, à la merci d’employeurs qui pourraient en profiter pleinement.

Il y a beaucoup d’employeurs qui paient leurs employés tout à fait convenablement. Malheureusement, ceux-ci sont souvent moins visibles, mais en organisant bien vos recherches, vous trouverez des opportunités intéressantes.

Sachez quel salaire vous devriez toucher

Pour le picking de fruits et de légumes payé à l’heure, vous devriez être payé au moins 26,73 $AU de l’heure en travaillant en journée, à des heures régulières, avec un contrat casual, si vous avez 20 ans ou plus.

Si vous êtes d’accord pour travailler au rendement (au moins au salaire minimum légal), un travailleur avec un niveau moyen (« average worker ») devrait gagner au moins 15 % de plus que le salaire minimum pour l’horticulture. Par ailleurs, le paiement au rendement (même au salaire minimum) doit faire l’objet d’un accord écrit et signé par l’employeur et l’employé (il peut se trouver dans votre contrat de travail). Si vous n’avez pas de preuve écrite pour un travail au rendement (piece rate), vous êtes légalement tenu d’être payé à l’heure.

Les bas salaires ne sont pas rares en Australie, mais ceux-ci ne doivent pas pour autant devenir la norme. Nous vous encourageons à ne pas accepter des boulots sous-payés avec en tête l’objectif d’obtenir vos 88 jours de ferme. Nous avons déjà parlé avec des pvtistes qui se disaient prêts à être payés 5 ou même 2 $AU de l’heure, du moment que ça leur permettait d’obtenir leur second visa. D’autres sont même prêts à payer des employeurs pour leur embauche et ainsi avoir une « garantie » de faire leurs 88 jours.

Ce genre de situations a des conséquences néfastes pour l’ensemble des backpackers, les employeurs s’habituant peu à peu à transgresser les règles, n’hésitant pas à licencier ceux qui pourraient s’interroger sur la légalité de leur entreprise, expliquant que, de toutes les manières, « d’autres travailleurs viendront prendre le boulot ». Vous devez vous souvenir que cette règle des 88 jours existe parce que l’Australie a besoin de main-d’œuvre dans certains domaines. Les employeurs ne vont pas vous attendre les bras ouverts, c’est sûr, mais dans l’absolu, ils ont besoin de vous !

Ces pratiques ont également des conséquences sur les travailleurs locaux, puisqu’ils se retrouvent ensuite en difficulté à trouver un travail qui leur permette de subvenir à leurs besoins sur le long terme : ils ne peuvent pas se permettre d’accepter des conditions de travail aussi mauvaises. Ces conditions de travail peuvent être tolérables pour quelques semaines, mais elles ne le sont pas pour des résidents qui vivent ici tout au long de l’année.

Notez vos heures de travail

Ayez un carnet ou une application mobile sur laquelle vous allez inscrire votre lieu de travail, vos heures de travail, votre lieu d’emploi et le type d’emplois que vous avez fait. Si vous êtes payé au rendement, notez également les quantités que vous avez ramassées. Faites un vrai suivi pour voir si tout correspond aux heures / bins payées par votre employeur. Dès que vous recevez votre fiche de paie, vérifiez que toutes les sommes qui vous sont dues vous ont bien été payées.

Profitez de votre PVT en Australie

Souvenez-vous que les producteurs ont besoin de gens comme vous pour leurs récoltes. Ils devraient bien vous traiter et s’assurer que vous n’êtes pas exploités.

Ne quittez pas une ville/région sans avoir touché votre dernier salaire

Certains employeurs peu scrupuleux peuvent louvoyer pour éviter de vous payer votre dernier salaire. Si votre collaboration s’est bien passée, il n’y a pas de raison que cela se passe mal. Mais si vous avez quitté votre emploi parce que vous aviez des difficultés avec votre employeur, nous vous recommandons d’attendre de recevoir votre dernière paie avant de reprendre votre chemin vers une nouvelle ville, une nouvelle région et de nouvelles aventures. Autrement, vous devez avoir conscience que vous pourriez avoir du mal à récupérer votre argent.

Cas « extrêmes »

Il s’agit clairement de cas plus rares, mais voici quelques derniers conseils quand la situation dégénère furieusement.

  • Un employeur n’a en aucun cas le droit de confisquer votre passeport. Si c’est le cas, le mieux est de contacter/aller voir la police australienne et de contacter votre consulat.
  • Le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles sont bien évidemment interdits en Australie. Là aussi, vous pouvez rapidement vous tourner vers la police si vous êtes victime de tels abus.

En cas de problèmes importants, le mieux rester de vous tourner vers la police ou vers Fair Work Ombudsman.

Remplir l’objectif des 88 jours, sans subir les abus

Nous vous recommandons, dès que vous envisagez de faire un second visa, de vous y prendre le plus tôt possible et ne pas attendre les 3 derniers mois de votre séjour en vous disant que vous avez le temps. C’est le meilleur moyen de vous retrouver à accepter des boulots sous-payés sans pour autant réussir à faire vos 88 jours avant la fin de votre visa (à cause du climat ou d’autres raisons). Si vous envisagez, dès le début, de partir 2 ans en Australie, essayez de faire vos 3 mois de travail dans les tous premiers mois de votre visa. Vous aurez ensuite tout le temps de profiter de votre voyage sur place. Vous pourrez même refaire du fruit picking plus tard, en choisissant les emplois les plus rémunérateurs et les patrons les plus cool.

Prenez un peu de temps, n’acceptez pas n’importe quoi, et ces 88 jours, qui peuvent apparaître comme une tannée non rémunératrice pour de nombreux pvtistes pourra se transformer en expérience hyper enrichissante, avec une véritable rémunération à la clé, qui vous permettra de continuer votre voyage.

Gardez à l’esprit qu’il y a d’autres emplois éligibles au renouvellement de visa. Ne vous focalisez pas seulement sur les fermes ! Il y a bien d’autres opportunités qui pourront s’offrir à vous durant votre PVT. Par exemple, vous pouvez tout à fait travailler dans un restaurant ou faire de l’housekeeping dans le nord de l’Australie ou dans une région (très) isolée du pays. C’est le cas de Morgane, qui a travaillé en restauration à Port Douglas pendant son PVT et qui a pu tester le cleaning dans des maisons de luxe (plutôt sympa comme cadre de travail). Deux jobs éligibles au renouvellement de son visa.

Enfin, n’oubliez pas que les Français, les Canadiens et les Belges ne sont pas limités à un seul PVT. L’Australie est une superbe opportunité, mais dites-vous que vous pourrez sûrement partir ailleurs, faire d’autres PVT dans de nouveaux pays si vous n’atteignez pas les 88 jours. Pour retrouver la liste des pays qui vous sont proposés dans le cadre du PVT, selon votre nationalité, consultez notre page Le PVT dans le monde.

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