Morgane, de permis de travail fermé à permis de travail ouvert au Canada
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Bonjour Morgane, peux-tu te présenter ?
Je suis originaire de Bretagne. J’ai vécu toute mon enfance et adolescence entre Rennes pour ma scolarité, et Morlaix où je suis née et où réside la majorité de ma famille.
Au cours de mes études, j’ai fait un stage de 2 mois en Irlande, un autre de 3 mois en Ecosse et un échange universitaire de 6 mois en Argentine. On peut dire que mon envie de voyager ne s’est pas arrêtée, bien au contraire. Mais quelque chose de nouveau a émergé en moi par rapport au voyage au cours de ces années. Je me suis rendu compte que le voyage, le vrai selon moi, ce n’était pas la découverte de beaux paysages “instagrammables”. C’était la rencontre des gens, la compréhension de leur culture. Ces rencontres nous construisent, nous font grandir, et au final nous définissent.
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Tu es arrivé en permis fermé au Canada en 2020. Pourquoi cette destination ?
Je pense que c’est la question qui m’a été le plus posée par les Québécois depuis que je suis ici. Ça les intrigue beaucoup je crois. La plupart des Québécois que j’ai rencontrés ne vivent pas à Montréal, sont majoritairement restés toute leur vie au Québec, sauf pour des voyages touristiques de plusieurs semaines. Ils n’ont pas travaillé à l’étranger pour s’y établir. D’où cette interrogation pour eux j’imagine.
Fin 2017, j’ai commencé à travailler pour une entreprise internationale à la fin de mes études et dans laquelle j’avais déjà fait mon stage de fin d’études, en management en production industrielle. Dès mon premier entretien d’embauche, je leur avais fait part de ma volonté de travailler 3 ans en France et ensuite de pouvoir partir travailler à l’étranger.
En 2019, nous avons fait un voyage touristique avec mon conjoint à Montréal, Boston et New-York. Je suis “tombée en amour” (comme on dit ici) avec Montréal et les Québécois avec qui on a fait des soirées. La douceur de vivre à la montréalaise, sans stress et son streat art. Ça m’a vraiment allumée (autre expression québécoise au passage !).
Début 2020, mon conjoint a été tiré au sort au PVT du Canada, auquel on s’était inscrit en parallèle. Le Covid étant arrivé entre-temps, le bassin des PVT a complètement fermé, je n’avais alors plus aucune chance d’être tirée au sort. Dans mon entreprise, j’ai continué mes recherches et j’ai fini par être mise en contact avec un RH au Québec qui m’a proposé un poste que j’ai accepté par la suite.
A cause du Covid, les démarches ont été longues et ont pris 6 mois entre mon acceptation pour le poste et mon arrivée au Québec. Mon entreprise a fait appel à un bureau d’avocats, qui a pris en charge toutes les démarches administratives et financières pour me faire un permis de travail fermé, dans le cadre d’une mobilité intra compagnie. Ils ont également fait un contrat de travail pour mon conjoint afin qu’il puisse partir avec moi (en 2020, il était nécessaire d’avoir une offre d’emploi pour pouvoir se rendre au Canada en PVT). Fun fact, j’étais sa chef à ce moment-là, mais ça s’est bien passé le temps des 3 mois avant qu’il trouve vraiment un travail dans son domaine.
Fin octobre 2020, nous entamions notre quarantaine à Montréal avec mon conjoint, pour démarrer mon nouveau travail en novembre 2020.
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Tu as travaillé pour la même compagnie en France et au Canada, peux-tu nous en dire plus sur les différences au travail entre les deux pays ?
J’ai été très surprise les premiers temps parce que les gens ne me disaient pas nécessairement “Bonjour !” en les croisant. J’avais eu l’habitude en France que tout le monde se dise bonjour en se croisant, même lorsqu’on ne connaissait pas la personne. Mais maintenant je me suis habituée, c’est la même chose lorsque je croise mes voisins dans la cage d’escalier : parfois on se dit bonjour, parfois on se sourit et certains rien du tout.
Moins de barrières avec la hiérarchie. Les gens sont très accessibles. D’un autre côté, je sentais un respect de la hiérarchie beaucoup plus présent qu’en France. Je suis superviseure en production, et c’est arrivé à plusieurs reprises que des employés me vouvoient. Ce qui ne m’était jamais arrivé en France.
Les personnes sont plus authentiques je dirais. Les personnes que j’avais à manager avaient moins de filtres qu’en France. Ils se confient beaucoup plus facilement sur leur vie, leur histoire personnelle. Parfois pour le meilleur, comme le pire.
L’évolution salariale est beaucoup plus rapide. On m’a augmentée sans que je ne demande rien, alors qu’en France j’avais dû attendre 3 ans avant d’espérer une évolution salariale, et elle était bien moindre qu’ici.
Le droit du travail est différent également. Je m’étais beaucoup renseignée pendant ma quarantaine avant d’entamer mon travail. En tant que manager, c’est essentiel de savoir ce qu’on a le droit ou pas de faire. Globalement, il y a moins de temps de repos légal entre les quarts de travail. Les gens qui démissionnent peuvent partir plus rapidement qu’en France, ça peut être du jour au lendemain sans préavis.
Je pratique beaucoup plus mon anglais ici qu’en France. Autre truc tout bête les premiers mois, il faut s’adapter au QWERTY, mais on s’y fait. J’ai juste écrit quelques “qvec” au lieu de “avec” dans mes mails.
Mes premiers jours de travail, j’ai écrit ceci sur mes impressions “C’est bizarre comme mon ancien boulot ne me manque pas pour l’instant. J’ai l’impression que tout est moins rigide ici. C’est le bordel mais on l’accepte plus facilement.” Je trouve qu’ici il y a moins le droit à la déconnection par contre. Lorsque les gens étaient en vacances ou rentrés chez eux, on les appelait soit pour pouvoir rentrer travailler (dans le cas des employés sur ligne), soit pour avoir quelqu’un pour nous aider sur des aspects techniques. Je devais appeler des gens parfois à 3 h du matin pour avoir de l’aide par exemple. On m’appelait 1 week-end sur 2, si ce n’est pas tous les weekend, etc. Et forcément la première chose un peu “difficile” les premiers temps : la langue. J’avais des personnes à manager avec un accent beaucoup plus fort qu’à Montréal, qui avaient tendance à rouler les “r” pour certains. J’étais aussi dans un contexte bruyant en usine qui ne facilitait pas les choses. J’ai vite appris ce que voulaient dire les mots “pogner, “jamer”, “chaudière”… Et tout le vocabulaire mécanique qui était en anglais et non en français : “bolt”, “bearing”,“sensor”… Ça m’a parfois amenée à des situations cocasses, surtout en meeting de démarrage de quart où les personnes ne se sont pas gênées pour se moquer gentiment de moi avec mes bonnes expressions françaises. Finalement, comme pour tout, on finit par s’adapter.
Je pratique beaucoup plus mon anglais ici qu’en France. Autre truc tout bête les premiers mois, il faut s’adapter au QWERTY, mais on s’y fait. J’ai juste écrit quelques “qvec” au lieu de “avec” dans mes mails.
Mes premiers jours de travail, j’ai écrit ceci sur mes impressions “C’est bizarre comme mon ancien boulot ne me manque pas pour l’instant. J’ai l’impression que tout est moins rigide ici. C’est le bordel mais on l’accepte plus facilement.” Je trouve qu’ici il y a moins le droit à la déconnection par contre. Lorsque les gens étaient en vacances ou rentrés chez eux, on les appelait soit pour pouvoir rentrer travailler (dans le cas des employés sur ligne), soit pour avoir quelqu’un pour nous aider sur des aspects techniques. Je devais appeler des gens parfois à 3 h du matin pour avoir de l’aide par exemple. On m’appelait 1 week-end sur 2, si ce n’est pas tous les weekend, etc. Et forcément la première chose un peu “difficile” les premiers temps : la langue. J’avais des personnes à manager avec un accent beaucoup plus fort qu’à Montréal, qui avaient tendance à rouler les “r” pour certains. J’étais aussi dans un contexte bruyant en usine qui ne facilitait pas les choses. J’ai vite appris ce que voulaient dire les mots “pogner, “jamer”, “chaudière”… Et tout le vocabulaire mécanique qui était en anglais et non en français : “bolt”, “bearing”,“sensor”… Ça m’a parfois amenée à des situations cocasses, surtout en meeting de démarrage de quart où les personnes ne se sont pas gênées pour se moquer gentiment de moi avec mes bonnes expressions françaises. Finalement, comme pour tout, on finit par s’adapter.
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Tu es aujourd’hui en permis de travail ouvert, comment as-tu procédé ?
J’avais pris la décision de changer d’entreprise et de démissionner. En passant mon premier entretien avec une nouvelle entreprise, je me suis vite rendu compte que mon permis de travail fermé était un frein pour les autres entreprises. Ça sous-entendait que je n’étais pas disponible de suite pour eux et beaucoup de démarches administratives à entreprendre. Une solution qui s’offrait à moi rapidement, c’était de faire les démarches pour avoir un permis ouvert rattaché à mon conjoint. Ça me laisse 9 mois pour trouver un travail n’importe où. Ensuite je pourrais potentiellement continuer avec un jeune pro.
Je me suis rendue avec mon conjoint à la frontière de Stanstead (Rte 155) un mardi dès l’ouverture vers 8 h 30. On a passé la frontière très facilement et nous nous sommes retrouvés aux USA en expliquant qu’on voulait faire le “flag pole” (= tour du poteau).
On a simplement fait le tour du bâtiment. On nous a demandé si nous étions descendus de la voiture aux USA, auquel cas il aurait fallu présenter un test PCR négatif. Nous n’étions pas descendu de la voiture donc pas besoin du test. Dans le doute, j’en avais quand même fait un, mais il ne m’a finalement servi à rien. On a passé la frontière canadienne.
Nous avons dû ensuite aller dans le bureau de l’immigration pour présenter tous nos documents :
- justificatif de vie commune de plus d’un an : le bail et les factures d’électricité ont suffi ;
- contrat de mon conjoint qui justifiait un poste qualifié ;
- les 3 derniers talons de paie de mon conjoint ;
- le permis de travail de mon conjoint ;
- mon ancien permis de travail fermé ;
- justificatif de double vaccination.
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As-tu eu le temps de voyager au Canada en parallèle de ton emploi ?
Oui, Toronto, Québec, Rimouski, le Saguenay.
En temps de Covid, le premier hiver, on a surtout profité au maximum du ski tous les week-end à St-Bruno, Sutton, Bromont. Ça nous a fait découvrir de nouveaux endroits.
Le printemps venu, on a profité des parcs nationaux. On avait pris une carte d’un an avec la Sépaq. On a fait plusieurs randonnées à Boucherville et St-Bruno qui étaient à côté de chez nous, mais aussi à Yamaska, Mont-Orford, Mauricie, Jacques-Cartier, au Fjord du Saguenay, au Bic.
Prochainement, nous allons passer aux États-Unis, ce qu’on espérait depuis longtemps. On attendait que les restrictions par rapport au Covid se relâchent. Direction Nashville.
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Tu es arrivée au Canada en pleine crise sanitaire, comment l’as-tu vécu ?
Le fait de se dire que tout le monde était dans la même situation presque partout dans le monde, au Québec ou en France, ça m’aidait. Je me trouvais chanceuse d’avoir l’impression d’être en voyage permanent, alors que mes proches ne pouvaient pas voyager.
De plus c’était l’hiver, les remontées mécaniques fonctionnaient dans les stations de ski au Québec, alors qu’en France non. On a vraiment profité de skier presque tous les week-ends. La crise sanitaire se faisait moins sentir.
Mais ça rend les rencontres beaucoup plus difficiles, sans bar, sans festival, sans gym. Ça a commencé à être pesant au bout d’un an je dirais. Mais par chance, c’est à ce moment qu’on s’est fait nos premiers amis et que la vie commençait à reprendre petit à petit.
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Quelles ont été les réactions de tes proches face à ta décision de partir ?
Ça crée de l’inquiétude forcément. Mes parents espèrent juste que je ne resterai pas trop longtemps là-bas, et surtout que je ne resterai pas toute ma vie.
Entendre ma grand-mère me dire “c’est peut-être la dernière fois qu’on se voit”, ça brise le cœur. On esquisse un sourire pour ne pas prendre au sérieux ce genre de phrase, mais au fond de moi je sais que ça peut être une possibilité. Il faut être préparée mentalement à se dire qu’on peut perdre un proche en étant loin, et qu’on ne sera peut-être pas capable d’être là pour lui dire au revoir.
Mes amis étaient contents pour nous. Mais ça a été beaucoup de larmes au moment du départ.
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Qu’apprécies-tu le plus et le moins au Canada ?
Le plus :
- La nature, les paysages, la neige, le soleil. Le contraste des saisons est très fort ici, les couleurs sont flamboyantes à chaque changement. On apprécie d’autant plus le printemps et l’éclat de la verdure et des fleurs qui surgissent après le blanc de l’hiver. Des petites choses comme celle-ci me font me sentir bien.
- L’authenticité des Québécois, leur spontanéité, leur accessibilité, leur naturel et leur accent que j’aime.
- Le marché de l’emploi. Les entreprises donnent vraiment la chance aux gens de faire leurs preuves. Les recruteurs sont moins regardants sur le diplôme et donnent beaucoup plus de crédit aux expériences personnelles.
- La conduite des Québécois. Ça apprend le self control !
- La canicule l’été. Je viens de Bretagne, la clim je ne connaissais pas. Mais quand il fait plus de 30 °C la nuit, que la clim gèle, là on passe une mauvaise nuit. Je préfère de loin l’hiver. Même si déneiger sa voiture et conduire en pleine tempête, c’est une sacrée expérience à vivre !
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Quel est ton meilleur souvenir de voyage ?
Les baleines aux Escoumins, c’était une expérience mémorable. Et la guide était incroyablement gentille et drôle.
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Le moins bon ?
L’annonce de la vente de la filiale américaine de l’entreprise pour laquelle je travaillais. Ça a été beaucoup d’interrogations, d’incertitudes quant à notre avenir ici au Canada. Mais ça a notamment motivé mon choix d’aller de l’avant, de partir et je ne le regrette pas.
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As-tu des conseils pour les futurs expatriés ou ceux qui hésitent à se lancer ?
Il faut se lancer ! Je n’ai jamais autant appris à me connaître moi-même qu’en étant ici. Et il faut être capable de se connaître pour savoir faire les bons choix pour notre vie par la suite. Je n’ai pas encore trouvé les réponses à toutes mes questions, mais au moins je suis en chemin.
Finalement, être loin de ceux qu’on aime, ça m’a permis d’y voir plus clair dans ce qui compte réellement pour moi. Ça a été une révélation sur l’importance que tenait ma famille dans mon cœur, même en étant loin d’eux. La chance d’avoir de bons amis et ceux qui comptent vraiment.
Côté pratique, je conseille vraiment à tout le monde de se renseigner sur les permis de travail et l’immigration en général. Même si votre entreprise fait appel à un représentant, il faut connaître nos possibilités, nos responsabilités, les risques, etc. Le site pvtistes, ainsi que leurs conférences sur facebook/youtube m’ont beaucoup aidée à y voir plus clair.
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Et pour finir, quels sont aujourd’hui tes projets ?
En démissionnant, un de mes supérieurs m’a dit “parfois dans la vie, il faut savoir prendre des décisions difficiles, mais qui sont les meilleures pour nous”. C’est ce que j’ai fait.
Je me donne du temps en ce moment pour faire une pause. Je compte en profiter pour m’investir dans une association, je lis beaucoup, je plante des légumes, et je m’occupe de mes affaires administratives.
Ensuite, je compte me remettre à chercher du travail. Dans un monde idéal, je voudrais une mission et une entreprise qui ait plus de sens à mes yeux. Et je souhaiterais potentiellement faire un jeune pro car je suis toujours éligible. Par la suite, on aimerait demander la résidence permanente ici au Québec.
Marie
En PVT au Canada de novembre 2021 à 2023, je répondrai à vos questions avec plaisir. Après un road trip en Amérique latine (Colombie, Bolivie, Pérou, Guatemala), je suis rentrée en France en juin 2024.
On a Working Holiday Visa in Canada from November 2021 to 2023, I will gladly answer your questions. After a road trip in Latin America (Colombia, Bolivia, Peru, Guatemala), I returned to France in June 2024.
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