- Âge : 30 ans
- PVT Japon en solo (2016); PVT Nouvelle-Zélande en solo (2018) puis une installation à plus long terme
- Domaine professionnel Ingénieure
- Activités pendant le PVT Éducatrice dans une crèche, baby-sitteuse et assistante dans une guesthouse au Japon et éclairagiste en Nouvelle-Zélande
- Économies à l’arrivée 5 000 € pour le Japon et 2 500 € pour la Nouvelle-Zélande
Choix du Japon : un pays passion et une stabilité de vie
Je suis issue d’une famille métissée, une partie de ma famille vient du Cameroun, pays dans lequel j’ai vécu pendant 7 ans quand j’étais petite, et l’autre partie est de France. Du coup, à mon premier voyage, j’avais 18 mois ! L’Europe, l’Afrique, c’était évident pour moi, mais l’Asie, que je ne connaissais pas du tout, était aux antipodes de ce que j’avais vu. Quand j’étais au Cameroun, j’avais des amis colombiens, donc l’Amérique du Sud me parlait aussi. Quand je suis arrivée en France, où on avait la télé 24 h/24, j’ai découvert plein de trucs à la télé dont l’animation japonaise avec le Studio Ghibli : ça m’a fascinée. J’ai commencé à lire des mangas.
mon premier voyage au Japon et dix ans encore après, pour mon premier PVT. »
Ce PVT, c’était un voyage de développement personnel, je suis allée au Japon pour me reposer parce que je sortais de pas mal de soucis, j’avais besoin de cette société qui t’encadre, bienveillante, où personne ne te lance de pierres.
Du coup, j’ai pris mon baluchon. Je n’étais pas dans un besoin de contact
amical, ce dont j’avais envie c’était une société où je pouvais évoluer tranquillement. Ça m’a fait du bien.
L’île d’Okinawa, un Japon différent
Lors de mon premier voyage, j’étais restée dans la région de Tokyo, le truc que tout le monde fait. Alors que là, mon PVT, j’avais décidé de le passer dans les îles tropicales du sud, à Okinawa, où les gens ne vont quasiment jamais. J’avais l’impression d’être dans une espèce de rêve étrange. C’est un peu comme chez nous dans le Sud, ils sont plus relax, ils ont plus la tchatche, ce n’est pas vraiment l’image du japonais « ultra-super-rigide » qu’on peut parfois avoir en tête. Il sont beaucoup plus expressifs… au sens japonais, hein ! Les températures étaient excellentes pour moi, minimum de 15 °C même en hiver, c’est un climat subtropical, j’étais aux anges.
J’y ai passé six mois. C’est très particulier, ce sont des Japonais que même les Japonais ne considèrent pas vraiment comme des Japonais. Okinawa était un royaume indépendant. Il a été annexé par les Japonais au XVIIe siècle. Après la Seconde guerre mondiale, l’île est devenue américaine et même maintenant il y a encore des bases américaines, ce qui crée de gros problèmes. Quand j’y étais, il y a eu des manifestations, ce qui est hyper rare (les Japonais ne manifestent pas dans la rue), mais là, ils en avaient marre, ils voulaient qu’on ferme les bases. C’est un problème récurrent de ces trente dernières années.
Beaucoup de gens croyaient que j’étais américaine, c’est un peu le grand drame de ma vie ! (rires) À partir du moment où je disais que j’étais française, c’était de grands sourires ! Être américain à Okinawa, ce n’est pas terrible… C’est plutôt bien d’être française au Japon, ils sont contents, on me disait « Pâtisserie, Pierre, Pierre ! ». C’est qui, Pierre ? Ah ! Ils adorent Pierre Hermé. Il y a un côté glamour d’être français.
Découvrir l’histoire du Japon, un écho à sa propre histoire
J’avais vraiment envie de connaître la région, j’ai un intérêt pour l’histoire de la colonisation. C’est sûrement dû à mes origines. Okinawa a été colonisée par les Japonais et Hokkaidō (l’île du nord dans laquelle je suis restée deux mois) aussi. Il faut savoir que sur Hokkaidō, il y avait des tribus qui n’étaient pas japonaises, les Ainus. On pourrait faire le parallèle avec les nations autochtones des États-Unis, elles se sont fait décimer, elles vivent dans des réserves, elles sont parquées… Les gens ne le savent pas, mais il faut avoir envie de chercher ! Il y a tellement de choses à voir dans la culture japonaise. Moi j’avais l’envie d’être la plus objective possible.
Il y a beaucoup de gens qui idéalisent le Japon, qui le voient comme une société magique, magnifique. C’est une société que je trouve fantastique par plein d’aspects, mais je pense que ce serait une erreur de ne pas tout connaître. Je l’aime profondément mais je suis capable de dire « Non, là ils ont abusé, ça, ça ne se fait pas ». Comme en France, il y a des choses magnifiques mais il y a aussi la guerre d’Algérie, les colonisations, la collaboration, ça fait partie de notre histoire. Le mettre de côté, le zapper, c’est assez hypocrite, il faut embrasser le tout. Je voulais connaître à fond l’histoire du Japon, pas seulement les geishas et les bombes atomiques, il y a bien d’autres choses.
Rester étrangère au Japon
Ce qu’il faut savoir, c’est que si on n’est pas japonais, on a le droit de ne pas être parfait. Moi, étrangère, ça me va très bien, je suis très contente de ne pas avoir à me plier à leurs standards. Quand je bossais, on ne m’a jamais demandé de faire des heures pas possibles alors qu’à un Japonais, on le lui aurait demandé. Ça dénote que l’étranger ne pourra jamais faire partie de leur société. Tu pourrais vivre là-bas pendant quarante ans, tu ne seras jamais japonais. Moi ça ne m’a jamais gênée, je n’ai aucune envie d’être japonaise, pourquoi j’irais m’infliger ça ? Je veux dire, quand tu vois le nombre de morts par fatigue des salariés… Dans mon pays, les gens se battent pour faire trente-cinq heures par semaine. Le statut « un pied dans la société mais pas trop », où tu as encore ce privilège « on va t’excuser certaines choses », c’est parfait ! Je me suis permis de dire des choses que je sais très bien qu’un Japonais n’aurait jamais eu le droit de dire ! (rires)
Parler japonais : une évolution notable
J’allais au supermarché à côté de chez moi et avec le temps, je devenais « banale », j’étais l’étrangère qui habitait par là. Au début, les caissières ont eu peur de moi mais au bout d’un mois et demi, voyant que je comprenais ce qu’elles me disaient, et surtout que je leur répondais, il y a eu un « Enfin ! On est sur la même longueur d’onde, on peut se parler, incroyable ! ». Après ça, chaque fois que j’allais au supermarché, plus aucune d’entre elles n’essayaient de me parler en anglais. Elles me parlaient directement en japonais et c’est ça qui m’a permis de m’améliorer en japonais.
Il y a eu plusieurs étapes comme ça, par exemple quand j’ai loué une voiture ou acheté un ticket de ferry au téléphone. À ce moment-là, tu te dis « Je gère ». Ça te met en confiance. Ça m’a permis de m’autoriser à aller me perdre dans des endroits où tu sais qu’il n’y a qu’un poste de police avec un gars de 80 ans qui ne parle pas un mot d’anglais mais avec qui tu pourras communiquer. Tu gagnes en liberté.
Un rêve de Nouvelle-Zélande
Avant de partir au Japon, j’ai fait un rêve, je me retrouvais en Nouvelle-Zélande avec mes deux meilleurs amis (un couple qui était au Japon), ma tante et ma soeur. On habitait dans une grande maison. J’en ai parlé à mes amis et ils étaient emballés. En fait, ils se sont accrochés à ça, ils sont rentrés en France avant moi et ils m’ont dit « Alors, du coup, la Nouvelle-Zélande ? ». Je ne savais pas, j’étais perdue… Pourquoi ne pas partir dans l’optique de s’installer et en ayant déjà un travail en Nouvelle-Zélande ?
De la stabilité intérieure à la stabilité professionnelle
Pour la Nouvelle-Zélande, pendant ma recherche d’emploi à distance, j’avais des pics de stress et de démotivation. Je passais par toutes les émotions. J’avais zéro réponse. Je me suis remotivée quand une Néo-zélandaise m’a répondu qu’ils étaient tous en vacances ! J’ai donc attendu mi-février pour envoyer mes CV.
J’ai alors eu deux offres : une à Auckland et une autre à Wellington. J’ai choisi Auckland après avoir regardé la météo des deux villes et j’ai pris mes billets pour la Nouvelle-Zélande en réalisant que le premier CDI que je signais de ma vie, c’était pour m’expatrier à 18 000 km ! J’ai pris mon PVT et quelques mois après, je faisais une demande de résidence que j’ai obtenue en août 2018. Ce visa est valable toute ma vie. J’envisagerai peut-être de demander la citoyenneté, il est joli, le passeport. Dans ce cas, j’aurai la double nationalité.
Une entreprise à l’écoute de ses employés
En Nouvelle-Zélande, dès que tu veux faire quelque chose, on te donne la possibilité de le faire. Tu n’es pas enfermée dans une boîte. À partir du moment où tu veux faire quelque chose de nouveau, on part du principe que si tu en as envie, c’est que tu vas mettre tous les moyens en oeuvre pour réussir. Ça ne peut être que positif pour la boîte.
On a déménagé de building parce qu’il a fallu qu’on s’agrandisse et le patron nous a demandé si on avait des préférences : j’ai dit que je voulais que ce soit à trente minutes à pied de chez moi, j’ai aussi dit que je voulais un four et j’ai obtenu un four. Du coup, je fais des gâteaux régulièrement, ils sont super contents, ils trouvent ça génial. Ça change du pavlova* ! Tu fais vraiment partie d’une équipe.
J’ai des problèmes d’anxiété et il se trouve que la Nouvelle-Zélande, contrairement à la France, est beaucoup plus active dans tout ce qui concerne les maladies psy. Il y a des prises en charge, on comprend que tu puisses avoir des problèmes de cet ordre-là. Quand je suis arrivée, je n’arrivais pas toujours à sortir de chez moi, je ne me sentais pas très bien. J’en ai parlé avec mon patron, je ne me suis pas sentie jugée. Il m’a dit « On mettra ce qu’il faut en place ». Je peux travailler de chez moi si parfois je me sens mal.
* Gâteau très répandu en Nouvelle-Zélande, à base de meringue et de fruits rouges.
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