19 Trieu et Céline, Japon

Un PVT décidé sur un coup de tête, mais un départ seulement 2 ans après

C’était un lendemain de soirée bien arrosée, on s’est dit « On part au Japon, on prend des vacances ! ». Mais pourquoi prendre des vacances ? Autant partir un an ! Et on a décidé de partir deux ans plus tard. Il a fallu faire mûrir le projet et puis économiser.

Le délai, c’était surtout une histoire de budget et pour voir en même temps si on avait toujours cette réelle motivation de se challenger sur un projet à long terme, voir si on allait y arriver. Finalement, en janvier 2017, on était toujours motivées. Le dossier pour le PVT a été bouclé en deux mois, ce n’est pas quelque chose de fastidieux. On savait déjà ce qu’on voulait faire, comment on allait découper notre voyage. On rêvait toutes les deux de faire un road trip à un moment, c’était le but. On voulait aussi découvrir la vie tokyoïte et ensuite faire le sud, mais au final, on s’est un peu laissées porter au fur et à mesure.

Partir à deux et finir le séjour seule : un vrai cap !

Trieu : À la base, on devait faire la même chose ensemble mais j’ai dû rentrer plus tôt pour des raisons financières. Au lieu de faire douze mois, j’en ai fait dix. C’était l’occasion pour Céline de prendre un peu son envol.

Céline : Le PVT, sans Trieu, je ne l’aurais pas fait, je ne serais pas partie toute seule. Elle m’a poussée à me lancer, dans le sens où elle est plus sociable que moi, elle va plus vers les gens, ça m’a un peu forcée.

Trieu : Elle a vraiment grandi à travers son PVT, en fait elle a beaucoup plus appris le japonais que moi sur place, en plus de l’avoir appris au lycée pendant trois ans. Moi, je n’avais aucune notion mais je suis très sociable. À travers ma façon de communiquer avec les Japonais, Céline a pris confiance, un peu par mimétisme. Quand je lui ai annoncé que je rentrais en France, elle m’a dit qu’elle se sentait de partir en WWOOFing toute seule, pour avoir plus d’autonomie.

Céline : Alors qu’au début je ne l’aurais pas fait ! Je serais peut-être restée dans une grande ville avec des gens que je connais. Alors que là, je me suis dit « J’ai vraiment envie de partir à Hokkaïdo que tu sois là ou pas, j’ai envie de le faire, advienne que pourra ! ».

Je suis allée dans une guesthouse avec restaurant, c’est le cas de beaucoup d’établissements en WWOOFing. C’était en auto-suffisance, la restauration provenait de produits locaux. Ma mission, c’était de l’entretien, travailler en cuisine, m’occuper des chèvres et faire du fromage.

Les deux premiers jours, j’ai pleuré, je voulais repartir tout de suite. Déjà, j’ai eu un vrai choc : je suis partie d’Osaka à six heures du matin, où il faisait 36 °C, et à dix-huit heures, quand je suis arrivée à Sapporo, il pleuvait, j’étais en débardeur, il faisait 10 °C et j’ai vu le dernier bus partir sous mes yeux. Sans compter que lorsque je suis arrivée, mon hôte m’a annoncé que nous étions seize WWOOFers, au lieu des cinq prévus. L’associable que je suis a pris un peu peur ! Mais finalement, au bout de quelques jours, ça allait beaucoup mieux ! J’ai sympathisé avec des gens sur place et on a préparé un mariage, j’ai dû m’occuper de la déco, j’ai adoré !

La clé d’un PVT réussi : apprendre à lâcher prise

Trieu : Ce n’était pas facile de partir comme ça, parce qu’on est deux filles organisées, on aime bien planifier les choses et le début du road trip était compliqué. On avait le réflexe, comme pour des vacances, de planifier à l’avance où on allait dormir le lendemain, où on allait manger, c’était difficile, je ne lâchais pas prise. Au bout d’un moment, ça s’est tassé, il faut dire qu’il y a eu un élément déclencheur : on était sur le bateau, on arrivait à Kumamoto*, on n’avait aucun logement, on était à la gare avec nos sacs, à se demander ce qu’on allait faire.

Miraculeusement, il y a un gars qui nous a répondu positivement sur Couchsurfing*, c’était l’essai du désespoir, en dernière minute ! Il nous a dit « Écoutez, ce soir je suis en soirée mais allez à mon appart, je vous donne l’adresse, il est ouvert, faites comme chez vous ». On est arrivées, on a installé notre lit, on s’est couchées, on a laissé le sien en se disant qu’il pouvait rentrer dans la nuit, mais le lendemain matin, il n’était toujours pas là ! Il nous a demandé par message si on voulait un café pour le petit déjeuner et il est ensuite arrivé chez lui avec !

Il ne nous connaissait pas, il n’avait pas vu nos visages, il nous a dit « La porte est ouverte, vous allez dormir et on se voit demain ». On a trouvé ça génial ! Suite à ça, ça nous a libérées et on s’est dit « Au pire, il n’y a rien de grave, si on n’a pas de logement, on a un sac de couchage, ce n’est pas risqué ! ». On a appris à voir les choses plus positivement et de façon moins dramatique.

Céline : Ça a changé ma personnalité, je me dis maintenant que rien n’est grave. On prend tellement de recul sur les choses, on est plus positives dans notre manière d’être et d’interagir.

Trieu : Avant, on était très exigeantes, dès qu’il y avait un truc qui allait de travers, on se mettait la pression. Mais finalement, on se rend compte que quand il y a des choses qui ne se passent pas comme prévu, ce n’est pas grave. Pendant notre voyage, c’est arrivé plein de fois et on s’est très bien adaptées. Il faut savoir rebondir.

Parler japonais

Céline : La plus grosse peur des gens, c’est la barrière de la langue, tous ceux avec qui j’en parle me disent « Moi, je ne partirais pas parce que je ne sais pas parler la langue », mais on arrive toujours à se débrouiller.

J’avais fait du japonais au lycée et j’avais encore quelques restes, sans parler couramment.

On s’habitue, on arrive à mieux comprendre, sans forcément bien s’exprimer. Il y a des mots qui viennent, on apprend le vocabulaire qui va nous servir dans la vie de tous les jours et au boulot. On a aussi pu se faire des potes japonais, on arrive toujours à tisser des liens. Des gens qui nous ont prises en stop, la plupart ne parlaient que japonais et il n’y a pas eu de souci. On avait tous les outils de traduction à portée de main, on avait nos portables, on mettait Google Traduction et on en rigolait ! Ça crée des liens aussi.

Le PVT, un déclic de reconversion professionnelle

Trieu : J’ai une licence marketing/communication donc je voulais essayer de retourner dans ce milieu-là mais c’est bouché. Je me rends compte que le fait d’avoir mis sur nos CV qu’on a vécu un an au Japon, qu’on a fait des expériences, qu’on a travaillé et qu’on a voyagé, les employeurs n’y voient aucun intérêt ! Pour eux, c’est normal, comme on est de la nouvelle génération.

Plusieurs entreprises m’ont appelée suite à l’envoi de mon CV, mais aucune n’a mentionné mon expérience au Japon. J’ai eu une année de césure d’un an, mais pour elles, elle n’existe pas, on me parle seulement de ma précédente expérience professionnelle en France. J’ai été assez déçue de ça. Je me suis rendu compte que je n’étais plus faite pour travailler dans la vente.

Finalement, ce PVT au Japon, c’était aussi pour me retrouver professionnellement, trouver ma voie. Aujourd’hui, je veux me lancer dans le domaine artistique. Je me sens bien d’essayer aussi une carrière de tatoueuse, c’est quelque chose de plus libre, plus autonome, à son compte. C’est le temps de s’écouter soi-même.

Je n’avais rien au Japon, juste mon sac, et finalement j’étais heureuse.

Céline : Moi, j’étais fleuriste puis j’ai travaillé quelques années dans la vente, mais en rentrant, un soir, sur un coup de tête, je me suis dit « Décoration d’intérieur », donc j’ai entamé une formation. J’aimerais travailler à l’étranger, parce qu’ici, le milieu est un peu frileux. Dans l’idéal, j’aimerais repartir en PVT, en Corée, pas un an mais quelques mois, parce que j’ai eu l’occasion d’y passer une semaine pendant mon PVT Japon. Ce qui me motive aujourd’hui, c’est ma formation, repartir quelque part et à terme, vivre à l’étranger pour travailler.

Découverte d’un Japon qu’elles n’envisageaient pas
Trieu : On est des grandes passionnées du Japon depuis très longtemps. On est passées de la théorie à la pratique.

Céline : Mais, quand on rentre dans un quotidien, on voit les choses différemment d’un touriste. On a des amis qui adorent le matcha*, nous on n’en pouvait plus au bout de deux semaines. Les bols de ramen, il y en a partout et au bout d’un moment, on en a eu marre, on est devenues plus exigeantes sur la qualité, comme les Japonais.

Trieu : Les Japonais ne prennent que le côté positif et « beau » de la culture mais ils se trompent sur le reste, sur la réalité. Les médias racontent ce qu’ils ont envie. Les Japonais ne savent rien de ce qu’il se passe dans le monde et même au Japon. L’actualité se résume aux séismes, à l’agriculture, à l’agro-alimentaire… Le gouvernement contrôle les infos. Quand tu es là-bas, tu es en dehors du monde. D’un côté, c’est fascinant, au moins ils sont dans leur bulle, ils se sentent en sécurité et ils sont fiers d’être japonais mais de l’autre, le jour où il y a un vrai souci, c’est la catastrophe. Pour eux, les Jeux Olympiques c’est génial, ça va booster l’économie, ils vont avoir des visiteurs mais c’est une catastrophe. Ça va être un choc culturel.

Céline : Je suis d’accord sur ce point. Beaucoup de Japonais voient ça d’un bon oeil pour l’économie du pays mais ne pensent absolument pas aux répercussions que cela aura sur leur quotidien (manque de respect, curiosité mal placée des touristes…).

Faire du stop au Japon

Céline : Au départ, l’idée c’était le vélo ! On a acheté un vélo à Tokyo, on en a peut-être fait quatre fois, puis on l’a revendu. On voulait racheter un vélo tout terrain électrique mais on a vu les tarifs et on s’est dit que ça n’allait pas être possible, qu’on allait devoir faire du stop ! On a testé la première fois dans le nord d’Okinawa, on était allées voir un château et on a tenté le coup. La première voiture qui s’est arrêtée nous a emmenées ! La dame a même prévenu son boss qu’elle aurait un peu de retard au boulot puisqu’elle nous avait prises en stop. On s’est dit que ça marchait bien, finalement. Le soir, pour rentrer, on a attendu peut-être trente minutes, il faisait nuit, on n’avait même pas de panneau, on a juste tendu le pouce et puis quelqu’un s’est arrêté et nous a déposées !

Trieu : Par la suite, on accrochait un panneau avec le nom de la destination sur notre sac à dos, on marchait vers notre destination et les gens s’arrêtaient d’eux-mêmes.

À Kyūshū, c’était hyper facile, les gens sont adorables, par contre dès qu’on est arrivées sur Honshū, ça s’est compliqué. Le problème, c’est que c’est des endroits touristiques, entre Hiroshima, Kobe et Osaka, donc c’est très bien desservi par les transports. Finalement, le stop a moins de sens dans ces zones-là.

Le ressenti au retour

Céline : C’est, et je pense que ça restera, la meilleure expérience de ma vie même si je n’ai que 24 ans. Ça m‘a apporté beaucoup de choses, j’ai changé de caractère et ma façon de voir les choses, je prends plus de recul, donc j’ai des rapports différents avec les gens, que ce soit avec la famille ou les amis, je suis plus ouverte qu’avant. Pendant un PVT, on se rend compte des travers et des bons côtés de chaque société. Quand je suis rentrée, après un mois, je me disais déjà « Je veux repartir » ! Dès que j’en ai l’occasion, je repars !

Trieu : Je ne suis pas déçue du Japon, j’avais peur de l’être après toute cette attente. C’est un pays où je me sens comme chez moi, bien que je sois consciente de ses qualités et de ses défauts. J’ai eu la chance de rencontrer des Japonais qui ont voyagé, qui sont curieux, prêts à casser leur routine pour s’ouvrir. Ils m’ont tous fait grandir.

En rentrant, je me suis retrouvée à redécouvrir la culture française mais j’ai hâte d’y retourner pour finir la découverte du nord du Japon !

* Ville de l’île de Kyūshū renommée, entre autres, pour son château.
** Réseau qui permet à des voyageurs d’être accueillis et logés gratuitement par des hôtes.
*** thé, utilisé notamment pour la cérémonie du thé au Japon.

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