16 Marie-Pier, Nouvelle-Zélande et Canada

Partir en PVT France* : un choix controversé

Honnêtement, quand je suis partie de mon emploi au Québec et que j’ai dit « Je pars vivre en France », des gens ayant déjà vécu en France ont essayé de me décourager « Oh non ! Tu vas voir, tu vas regretter, blablabla ! ». Mais moi je me suis dit « Je préfère faire ma propre expérience, voir ce qu’il en est vraiment ». C’est dommage ces réactions, parce que j’ai découvert un pays rempli de ressources et de culture. J’avais mes attentes, j’avais entendu des choses par rapport à l’égalité hommes / femmes, que la recherche d’emploi était plus difficile. Le pays a ses mauvais côtés, comme le Canada, mais il est génial !

Mon objectif était de travailler mais c’était surtout d’avoir une expérience à l’étranger, de repousser mes limites. Travaillant dans le milieu de l’informatique et la France étant assez réputée pour l’ingénierie, ça semblait une bonne idée pour moi. Ils parlent français et moi je suis bilingue, je me suis dit que j’aurais sûrement des avantages, des trucs à apporter là-bas aussi.

J’ai choisi Montpellier pour suivre mon copain de l’époque, car il travaillait dans les jeux vidéo. On avait le choix entre Paris et Montpellier… À Montpellier, il y a la mer, les palmiers… C’est sûr que c’est attirant quand tu viens du Canada ! Montpellier, en plus, au niveau des startups en informatique, c’était vraiment un lieu stratégique pour moi, il y avait plein d’avantages.

J’ai aussi choisi un PVT dans un pays européen parce que ça me permettait de voyager ailleurs beaucoup plus facilement et de ne pas seulement travailler. En fait, en allant en France, je m’ouvrais à plusieurs pays, c’était un vrai plus.

Premiers pas en France : un choc culturel inattendu

Au début, c’était un peu déstabilisant parce que je prenais vraiment conscience de ma culture. Je me rendais compte que j’étais très canadienne et que les Français n’étaient pas du tout comme les Canadiens. Je me disais « Les Français on est pareils, on est cousins » et ce n’est pas du tout le cas. Par exemple, je suis allée chez mon banquier pour ouvrir un compte, et moi j’arrive très familière : « Eh ! Salut ! Ça va ? ». Mon banquier a trouvé ça très drôle, mais bon, il fallait qu’on se vouvoie. Dans les magasins aussi c’était très froid, il a fallu que je m’adapte.

J’ai appris beaucoup de choses sur moi, notamment à savoir dire non : en tant que Canadiens, on a tendance à toujours dire oui et à s’excuser même si ce n’est pas de notre faute ! Justement, en France, ce n’est pas comme ça, il faut que tu t’assumes un peu plus, quand on te harcèle ou quand le service clientèle ne veut pas t’aider, par exemple.

Il faut que tu t’imposes « Non, mais j’ai vraiment besoin que tu fasses ça pour moi ! ». Ça m’a vraiment appris à mettre mon poing sur la table. Souvent, quand on plaisante avec mes collègues, je leur dis « Je me suis aigrie en France, je suis devenue un peu plus râleuse ». C’est bien, ça a forgé mon caractère, c’est l’école de la vie, la France… à la dure !

Moi, je leur apporte aussi quelque chose. Il y a des Français qui me parlent de mon côté positif. En se côtoyant, on a beaucoup de choses à apprendre En tant que canadienne, il y a une phrase qui m’a marquée : « Les Québécois parlent comme des Français, pensent comme des Anglais et vivent comme des Américains ». C’est vraiment le cas et je l’ai réalisé à l’étranger. J’ai fait un souper avec un couple d’Anglais et je me suis dit « Ah oui ! On est pareils, on a les mêmes références, quand je vais à Londres, je reconnais ma ville ».

Surtout qu’au Québec, on est français à la base, on est des européens, on n’est pas « canadiens ».

Spécificités et bizarreries françaises

Je n’ai jamais aussi bien mangé ! Je me suis dit « En France, ça va être l’extase, la bouffe est trop bonne », et c’est vrai. C’est très local, tu vas à l’épicerie, c’est des fruits, des légumes et de la viande de France. Depuis mon retour à Montréal, j’essaie de manger plus local, d’être locavore.

J’ai appris plein de choses culturellement parlant (rires) :

  • La bise le matin !
  • Le papier toilette rose.
  • Les bidets, c’était la première fois de ma vie que je voyais ça.
  • Le fait que les gens se stationnent dans tous les sens, chez nous c’est très droit.
  • La terminologie de composter un billet de train. Quand on m’a dit « N’oubliez pas de composter votre billet », je me suis dit « Oh ! c’est super écologique, ils me demandent de mettre mon billet au compost ». Alors j’ai composté mon billet sans savoir que c’était ça « composter ».
  • Les toilettes autonettoyantes, je trouvais ça génial, alors qu’il y a beaucoup de messieurs qui font pipi dans la rue.

On me regarde un peu bizarrement quand je dis certaines expressions, par exemple, quand je dis « Cent‘ d’achats », on me demande ce que c’est ! Une fois, j’étais à Paris avec une amie qui m’a dit, en sortant du cinéma « Si tu veux, on peut passer par là pour aller chez oim ». Je lui ai dit « C’est quoi, un resto chinois ? » et là, elle m’a expliqué : « Non, non, c’est chez moi mais en verlan ! ». Maintenant, quand il y a un mot que je préfère taire, je le dis à l’envers !

Travailler en France

Comme au Canada, en France, ça fonctionne beaucoup par bouche-à-oreille et par le réseau pour trouver de l’emploi. Je m’étais impliquée dans un organisme professionnel de mon domaine, j’ai commencé à créer des meet up**, c’est répandu en France, pas seulement au Canada, c’est super cool. Ça a porté ses fruits, c’est comme ça que j’ai trouvé un emploi. À partir de janvier 2018, j’ai commencé à travailler dans une grosse boîte d’informatique à Montpellier. Je vais d’ailleurs changer de visa pour pouvoir continuer.

Je trouve ça hyper intéressant parce que dans la boîte où je travaille, ils sont très ouverts et ils aiment le fait que je sois canadienne, ça fait de la discrimination positive. J’ai beaucoup d’avantages en étant canadienne « Ah oui, mais toi tu as la vision américaine, t’es plus comme ci, t’es plus comme ça ». Quand j’apporte des nouvelles choses, ils sont ouverts mais je ne sais pas si c’est une exception en France. En tout cas, c’est valorisant ! Quand je leur dit « Nous, c’est comme ça qu’on fonctionne et en général ça fonctionne bien », ils me répondent, « Bon, alors on va tester ! ».

Au Canada, on est habitués à être très performants, si par exemple tu commences à 9 h et que tu finis à 18 h, techniquement il faut qu’à 18 h, tu aies terminé ton travail. En France, les gens restent plus tard pour montrer qu’ils sont travailleurs et impliqués. Au Canada, c’est mal vu si tu finis plus tard, c’est signe que tu n’es pas performant. Au début, il fallait que je « slow down »***, il a vraiment fallu que je change de rythme.

En France, dans le milieu du travail, c’est très social par rapport à nous, dans le sens où il y a beaucoup de pauses café, les gens font beaucoup d’apéros, ça discute beaucoup, c’est cool. L’ambiance au travail est très agréable, alors qu’au Canada on est pas mal tous stressés. On fait parfois des « 5 à 7 »****, mais ce n’est pas tout à fait la même chose en France ! (rires) Chez nous, c’est plus rare. Le travail, c’est le travail. On a bien quelques collègues amis mais sans plus.

Un échange culturel enrichissant

Les questions sur mon accent revenaient souvent. Plein de Québécois en France en avaient marre, moi je le vis positivement dans le sens où personne ne m’a fait de commentaires méchants. Je l’ai plus vu comme une façon de connecter avec moi « Je connais un peu qui tu es et j’ai envie d’en savoir plus ». J’ai eu des conversations sur les caribous et sur les canneberges. Les gens étaient toujours intéressés, ils voulaient vraiment savoir. Je leur montrais des photos. Je trouvais que c’était bien de pouvoir partager ma culture.

À Montréal, j’avais beaucoup d’amis immigrants, je faisais la même chose avec eux, pour moi c’était quelque chose de vraiment enrichissant.

Les relations femmes / hommes

Bon, alors j’étais dans le Sud de la France et on m’a prévenue que le Sud, c’est particulier. Il y a des mecs qui te suivent jusque chez toi ! Une fois, un garçon m’a suivi jusqu’à ma porte en disant « Mademoiselle, mademoiselle ». Je lui ai répondu « Non mais tu t’attends à quoi ?! Que je me retourne et que je te dise « Viens chez moi » ? ». Il y a aussi des voitures qui ralentissent à côté de toi quand tu marches dans la rue, avec des mecs qui te demandent de sourire. Si tu ne souris pas « Qu’est-ce que tu fais, pourquoi tu souris pas ? ». Je ne leur réponds pas mais je pense très fort « Dégage ! Pour qui tu prends ? Je ne suis pas une p***… Et même si je l’étais, tu n’as pas à me traiter comme ça ! ».

J’ai l’impression, sur cet aspect-là, que la France est un peu comme le Québec des années 1960, même si c’est en train de changer. J’ai toujours été féministe, mais je le suis devenue vraiment en France quand j’ai vu ces écarts-là. Je trouvais ça injuste, même les écarts salariaux. J’avais vu des statistiques sur mon domaine qui disaient que les ergonomes sont payés en moyenne 4 100 euros pour les hommes et 3 100 euros pour les femmes. 63 % des ergonomes sont des femmes ! Non mais sérieusement, comment c’est possible ?!

Je me suis beaucoup intéressée sur ce qui se passait au niveau du féminisme en France, il y a vraiment de belles choses, de bons podcasts (La poudre, Les couilles sur la table…). Donc, oui, c’est un peu en retard mais il y a de belles initiatives en ce moment ! Ça va bouger et devenir très intéressant dans les prochaines années.

Un choc culturel inversé

Quand je suis rentrée à Montréal, je voulais acheter une carte SIM pour mon téléphone, je suis entrée chez Virgin Mobile, dans leur culture d’entreprise, c’est très familier, ils te tutoient. Tu arrives là-bas et c’est « Hé ! Salut ! Qu’est-ce que je peux faire pour t’aider ? ». Waouh ! Ça m’a surprise sur le moment ! Il y a aussi la fois où je suis rentrée dans un restaurant, d’habitude, au Canada, je disais « Salut, ça va ? On est deux ». Là, j’ai dit « Bonjour », ça m’a surprise moi-même d’utiliser cette formulation dans la retenue !

Mon oreille est maintenant vraiment habituée à l’accent français, donc quand je regarde la télé en français, ça ne me choque pas. Par contre, en rentrant au Québec, les premiers jours, j’entendais toutes les nuances de l’accent. Même avec le recul, je me dis que notre accent est vraiment bizarre ! Je comprends pourquoi les Français ont beaucoup de mal à nous comprendre, il y a vraiment une raison purement linguistique.

* Le PVT étant un programme bilatéral, les Canadiens peuvent également venir en France !
** Soirée de réseautage, ici entre professionnels.
*** Ralentisse.
**** Afterwork, apéritif avec ses collègues après le travail.

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